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Gabon : quand l’ENA, jadis bastion de la méritocratie, cède au clientélisme

le coup de coeur

Huit mois après la proclamation des résultats définitifs du concours d’entrée à l’École normale d’administration (ENA) 2024, des révélations inquiétantes viennent jeter l’opprobre sur ce qui était considéré comme l’un des concours publics les plus rigoureux du pays. De nombreuses anomalies mettent en lumière un dysfonctionnement profond du système de sélection, au point de remettre en cause la transparence et l’équité du processus.

La moyenne au premier tour ne garantit plus la réussite

Traditionnellement, l’ENA a toujours été reconnue pour son exigence et sa rigueur, récompensant les meilleurs candidats sur la base de leurs performances académiques solides. Pourtant, cette année, une tendance déroutante se dégagerait, selon le collectif des recalés : « certains candidats ayant obtenu des moyennes supérieures à 12/20 au premier tour ont été éliminés dès le second tour, tandis que d’autres, avec seulement la moyenne officielle de 10/20, ont été admis en nombre très important. »

Cette situation paradoxale s’expliquerait en partie par le système de pondération entre les deux tours. Selon le collectif des recalés : «  le  coefficient 19, prime largement sur l’oral, coefficient 4. Sur cette base, un candidat ayant 10/20 à l’écrit et 20/20 à l’oral ne peut pas dépasser une moyenne finale de 11,74. Pourtant, sur les 450 admis, pas moins de 215 ont exactement 10/20 », explique t-il. Ce qui laisse perplexe quant à la logique derrière cette sélection finale. Pour eux, ce constat soulève une question centrale : au-delà des notes, d’autres critères non académiques semblent avoir pesé dans la décision finale, remettant en cause la primauté du mérite.

Des irrégularités et fraudes flagrantes dénoncées

Plus alarmant encore, des faits gravissimes ont été portés à la connaissance du nouveau ministre de tutelle. Huit candidats qui avaient été recalés dès le premier tour et qui n’avaient donc pas participé aux épreuves orales figurent pourtant parmi les admis définitifs. De plus, treize candidats absents des épreuves ont été déclarés admissibles avec une moyenne standardisée de 10/20, « sans aucune note officielle », précise le collectif.

Ces « irrégularités  graves »  suggèrent, selon eux,  une manipulation des résultats, ou au minimum une absence totale de rigueur dans la gestion du concours. Des pratiques perçues comme un déni flagrant des principes de transparence et d’égalité des chances, pénalisant ceux qui ont réellement travaillé et mérité leur place.

Une institution emblématique en perte de repères

L’École normale d’administration, autrefois réputée pour sa méritocratie et sa sélection impartiale, est aujourd’hui minée par des accusations de clientélisme et de favoritisme. Jadis, cette institution formait l’élite de l’administration du pays en s’appuyant sur des critères objectifs et un contrôle strict des concours. Désormais, elle apparaît comme un espace où les réseaux et les intérêts personnels peuvent primer sur le mérite et la compétence. Cette dérive fragilise non seulement la réputation de l’ENA mais aussi l’ensemble de la fonction publique gabonaise, dont la qualité dépend en grande partie de la formation initiale de ses cadres.

Mobilisation et pression citoyenne

Face à cette crise, le collectif des recalés, composé de centaines de jeunes candidats lésés, campe depuis plusieurs jours devant les locaux de l’Assemblée nationale. Ces candidats réclament des explications claires et transparentes du gouvernement sur ces résultats incohérents. Leur présence symbolise une forte exaspération face à ce qu’ils considèrent comme une injustice majeure et appelle à une remise à plat urgente du système. Cette mobilisation citoyenne met la pression sur les autorités, qui sont désormais attendues au tournant pour garantir une enquête indépendante et impartiale.

La voix d’une ministre engagéeMarcelle Ibinga épouse Itsitsa, ministre de la Fonction publique et du Renforcement des Capacités, a reçu les plaignants lors d’une réunion au cours de laquelle ils lui ont présenté les documents relatifs à une fraude. Elle s’est engagée à faire toute la lumière sur cette affaire, dans le cadre de la promotion de la bonne gouvernance et de la réforme de la fonction publique. Elle a fermement condamné ces pratiques, elle aurait rappelé que cette fraude « pénalise gravement les candidats honnêtes et compromet l’avenir même de l’administration publique gabonaise ». Elle a souligné l’urgence d’agir, afin de restaurer la confiance et de rétablir les principes fondamentaux de la méritocratie.

Vers une réforme indispensable

Ce scandale met en lumière la nécessité impérieuse d’une réforme en profondeur des concours publics au Gabon. Il s’agit de mettre en place des mécanismes de contrôle renforcés, des audits transparents et une supervision rigoureuse pour prévenir toute forme de fraude et garantir que seules les compétences réelles soient récompensées. Le système doit également évoluer pour mieux équilibrer les épreuves écrites et orales, en valorisant toutes les qualités nécessaires à la fonction publique, sans sacrifier la rigueur académique.

L’affaire du concours de l’ENA 2024 est un signal d’alarme majeur. Elle révèle des dysfonctionnements inquiétants dans un système autrefois respecté pour son impartialité. La réponse des autorités, sous la pression de la société civile et des recalés, sera décisive pour l’avenir de la formation des cadres administratifs et pour la confiance des jeunes Gabonais dans leurs institutions.

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