Depuis plusieurs mois, le gouvernement gabonais brandit l’industrialisation comme un totem du renouveau économique. Des textes sont rédigés pour contraindre les entreprises à transformer localement certaines matières premières, comme le bois ou le manganèse. L’ambition est noble, mais la méthode laisse perplexe. Peut-on réellement construire une économie industrielle simplement en publiant des décrets depuis le palais ? L’illusion administrative risque de se heurter très vite à la réalité économique.
Sur le terrain, les conditions d’une véritable industrialisation sont loin d’être réunies. Les coupures d’électricité freinent la compétitivité des usines existantes, les ports sont saturés, les routes impraticables en saison des pluies. Dans ce contexte, obliger les opérateurs à transformer localement, sans améliorer l’écosystème dans lequel ils évoluent, revient à poser des exigences sans en donner les moyens. Et les investisseurs, eux, ne se trompent pas.
L’absence d’une politique claire d’incitation décourage les acteurs privés. Les industriels attendent des exonérations fiscales ciblées, des aides à l’installation, un accès au foncier simplifié, et une protection raisonnable contre les importations. Mais les autorités préfèrent souvent imposer plutôt que négocier. L’effet immédiat est une incertitude réglementaire qui retarde les projets et complique les prises de décision.
Pire encore, cette approche centralisée ne s’accompagne pas d’un dialogue réel avec le secteur privé. Beaucoup de décrets sont publiés sans étude d’impact, ni concertation sérieuse. Résultat : des obligations inapplicables sur le terrain, une frustration croissante des industriels, et un fossé qui se creuse entre l’État et les producteurs. Une industrialisation durable ne peut naître d’une logique punitive.
Il faut sortir de cette logique de façade. L’industrialisation gabonaise ne se décrétera pas depuis les bureaux ministériels ou les salons feutrés du palais du bord de mer. Elle se bâtira patiemment, sur le terrain, en partenariat avec ceux qui investissent, produisent et embauchent. Sans cela, les usines resteront sur le papier, et l’économie continuera de dépendre des matières premières brutes exportées à bas prix.