La répartition des 500 millions de fcfa de subvention à la presse privée gabonaise suscite une vive polémique au sein du secteur médiatique gabonais. Annoncée comme une avancée significative par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, cette aide financière devait permettre un véritable essor de la presse nationale privée comme dans des pays comme le Sénégal. Pourtant, les montants attribués à certaines rédactions interrogent sur la transparence et l’équité du processus. Des médias établis et influents, comme Gabon Media Time, n’auraient perçu qu’une augmentation minime de leur subvention, alors même que l’enveloppe globale a été multipliée par plus de quatre.
Une hausse superficielle ?
L’opacité des critères d’attribution renforce la suspicion d’une gestion arbitraire et partisane de ces fonds publics. Certaines rédactions, bien que disposant de structures solides et d’équipes professionnelles, ont été lésées au profit d’autres entités dont l’existence et l’impact restent à démontrer. La confusion est d’autant plus grande que le chiffre de 200 médias en ligne environ serait évoqué en haut lieu selon Harold Leckat, alors que le paysage médiatique gabonais ne compte qu’une poignée de plateformes véritablement actives et conformes aux obligations légales. « Il est impératif que le ministère en charge de la Communication mène un état des lieux rigoureux et objectif du secteur. On évoque souvent l’existence de près de 200 médias en ligne, mais en tant qu’acteur de terrain et membre d’une organisation patronale, je peux affirmer que cette estimation ne reflète pas la réalité« , a-t-il confié au Mbandja. Cette hausse pour le moins artificielle du nombre de bénéficiaires laisse craindre une dispersion des ressources et un gaspillage des fonds, au détriment de ceux qui s’efforcent réellement d’élever le niveau du journalisme au Gabon.
Un traitement incohérent de GMT
Cette gestion suscite des frustrations, notamment chez les acteurs de la presse indépendante. Harold Leckat, directeur de publication de Gabon Media Time (GMT), déplore dans un entretien accordé à nos confrères du Mbandja, un traitement incohérent de son média : « Si je dois comparer objectivement, je dirais, à regret, que l’ancien régime a fait preuve de plus de considération envers notre média, malgré les critiques virulentes que nous lui avons adressées. » Ces propos illustrent le sentiment d’injustice ressenti par plusieurs rédactions, qui s’attendaient à un soutien plus conséquent pour poursuivre leur développement.
Comment justifier qu’un média employant une dizaine de collaborateurs permanents, diffusant quotidiennement des journaux télévisés et contribuant activement au débat public ne reçoive qu’une aide marginalement supérieure à celle de l’ancien régime ? « Je suis de ceux qui pensent que les actes parlent plus que les discours. A ce jour, je m’interroge sérieusement sur les modalités d’attribution de cette subvention. Comme je le disais, lorsque l’enveloppe était à 123 millions, GMT recevait 3 millions. Aujourd’hui, malgré une multiplication par 5 du budget, nous n’avons perçu qu’un petit supplément de 900 000 francs cfa, alors que dans le même temps, nous respectons toutes les obligations légales« , affirme Harold Leckat. Cette situation envoie un mauvais signal aux professionnels du secteur, qui constatent avec amertume que les promesses de réforme restent, pour l’instant, lettres mortes.
Une opacité qui nourrit la défiance envers les institutions
Face à cette situation, une clarification s’impose. Le ministère de la Communication devrait publier la liste complète des bénéficiaires ainsi que les critères de sélection afin de dissiper les doutes et garantir un minimum de transparence. Sans cette démarche, la subvention risque d’être perçue comme un instrument de contrôle politique plutôt qu’un véritable levier de professionnalisation du secteur. Une telle opacité nourrit la défiance envers les institutions et réduit la crédibilité des engagements pris par la Transition en faveur de la liberté de la presse.
Le gouvernement doit comprendre que la presse est un pilier essentiel de la démocratie et que son développement ne peut être soumis à des intérêts personnels ou des calculs politiciens. En fin de compte, si le président Oligui Nguema souhaite réellement bâtir une presse libre et indépendante, il devra veiller à ce que ces financements publics soient distribués avec rigueur et équité. Une réforme des mécanismes d’attribution est indispensable pour éviter que cette aide ne soit détournée de son objectif initial et pour redonner confiance aux véritables acteurs du journalisme au Gabon. Tant que des ajustements ne seront pas apportés, la presse gabonaise restera vulnérable aux pressions et aux règlements de comptes, loin des ambitions affichées par la Transition.