Dans une tribune exclusive reçue par notre rédaction, le député de la Transition, Jo Dioumy Moubassango, a brossé un tableau de la scène politique gabonaise post-transition. Pour lui, les partis politiques de la période avant la transition sont voués à disparaître. La cause principale en serait l’échec de leur mission première qui consisterait en la formation d’une élite jeune prête à prendre le relais. Mieux, ce déficit laisse le champ libre à une reconfiguration politique dont la figure angulaire serait tout naturellement le président élu, Brice Clotaire Oligui Nguema, dont l’arbitrage sera indispensable. Lecture.
Je l’ai dit avant les élections présidentielles, et je le répète aujourd’hui avec plus de force encore : les partis politiques actuels, créés dans la logique d’être des alliés ou des opposants du Parti Démocratique Gabonais (PDG), sont appelés à disparaître progressivement avec le déclin du pouvoir de ce dernier. L’élection plébiscitaire de Brice Clotaire Oligui Nguéma, un homme qui ne doit rien au sérail politique traditionnel, en est l’illustration la plus éclatante. Le soutien populaire qu’il a reçu à la présidentielle dernière, lui laisse les mains libres dans ses choix futurs.
A la croisée des chemins
Je constate pour le déplorer qu’aucun parti politique gabonais, à ce jour, n’a su remplir l’une de ses missions essentielles: former et promouvoir une élite jeune, prête à assurer la relève politique. Cette carence explique aujourd’hui la lassitude grandissante d’une jeunesse consciente, investie, qui estime avoir tout donné à ces formations politiques et à leurs leaders, sans jamais obtenir en retour l’opportunité d’agir ni de construire au plus haut niveau.

Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. D’un côté, la volonté claire du Président élu, son Excellence Brice Clotaire OLIGUI NGUÉMA, de donner leur chance aux jeunes se manifeste déjà à travers la composition du Rassemblement des Bâtisseurs (RdB), où figurent des hommes et des femmes relativement nouveaux sur la scène politique. De l’autre, les résistances naturelles de certains aînés, qui estiment légitimement pouvoir encore contribuer à la gestion des affaires de l’État, en raison de leur expérience.
Création d’un parti présidentiel
Le rôle du Président sera donc, à l’évidence, d’arbitrer. Il lui faudra trouver un équilibre juste et intelligent entre la volonté populaire, qui aspire à un renouvellement profond du personnel politique gabonais, et la réalité du terrain, qui montre que certains jeunes, bien que prometteurs, ne sont pas encore prêts à gouverner avec la maturité et la sagesse nécessaires, même si la jeunesse gabonaise, il faut le reconnaître, a de la réserve.
C’est pourquoi, selon moi, la création d’un parti présidentiel ne saurait être une décision précipitée ni motivée par des intérêts partisans ou même la chaleur du moment. Elle doit répondre à une réflexion de fond, articulée autour de plusieurs principes majeurs :
• La désignation de profils jeunes, mais également d’hommes et de femmes d’expérience, capables d’encadrer, de transmettre et d’agir sur le terrain.
• La recherche d’une compétence politique nouvelle, centrée sur la gestion, le résultat et l’éthique de responsabilité.
• L’inclusivité, tant sur le plan du genre que sur les plans ethnique et régional.
• La proximité politique avec le Chef de l’État, indispensable pour assurer la cohérence de la ligne idéologique et stratégique du parti.
Éviter les erreurs du passé
Il serait dramatique de reproduire les erreurs du passé, en mettant en avant l’aspect « présidentiel » d’un parti, au détriment des valeurs fondatrices qu’il devra incarner. Il faut expliquer au peuple pourquoi une telle formation est nécessaire, et en quoi elle servira la nouvelle gouvernance, pour éviter qu’elle soit perçue comme un simple retour du parti-État, avec ses dérives bien connues. Aussi garantir le pluralisme politique et la divergence d’opinions pour animer le débat politique et la démocratie gabonaise. Cet exercice pédagogique doit intervenir avant toute creation de parti pour éclairer l’opinion nationale.
La tension actuelle autour de la création d’un parti attaché au président élu s’explique aussi par la proximité des prochaines échéances législatives et locales. Certains y voient un tremplin, une opportunité d’investiture et de victoire facile, en misant sur la popularité du Président, plébiscité à 90,35 % des suffrages exprimés. Mais attention : cette logique opportuniste est aux antipodes de la rupture annoncée par Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA avec les pratiques anciennes.
Une vision à long terme pour le Gabon
Le véritable enjeu de cette période post-électorale est clair : placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute ambition personnelle ou clanique. Le peuple gabonais attend beaucoup. Le Président élu l’a rappelé lui-même. Il ne s’agit plus de transactions politiques, mais de transformation structurelle, à tous les niveaux de l’État et de la société.
Alors que son investiture s’annonce comme un moment important pour le retour de notre pays à l’ordre constitutionnel, et que le futur gouvernement est attendu pour incarner cet esprit de réforme et de changement, il est juste de penser, sereinement et collectivement, la création de ce nouveau parti. Sans précipitation. Sans calcul. Mais avec le souci d’inscrire ce projet dans une vision à long terme pour le Gabon.
Le peuple gabonais a élu un homme, une vision. Il ne faut pas que, par empressement ou par ambitions personnelles, nous trahissions cette confiance. Il faut savoir se retenir, réfléchir, dialoguer et agir dans l’intérêt exclusif de la nation gabonaise. Même si cela doit faire mal à certains.
Le Président élu ne peut pas réussir seul. Il a besoin de femmes et d’hommes courageux, intègres, sincèrement engagés au service du Gabon. Le moment est venu pour chacun de choisir : la continuité des petits arrangements ou le saut vers un avenir meilleur.
Jo Dioumy Moubassango
Homme politique gabonais
Député de la Transition