En déplacement à Port-Gentil ce mardi, Brice Clotaire Oligui Nguema a tenu un discours aussi direct que révélateur de sa vision du pouvoir : « La conquête de poste, c’est après. Partons d’abord voter. Le pouvoir, c’est comme un gâteau, vous m’accompagnez, on gagne, et après on voit comment on se divise le gâteau. On ne le mange pas seul. Quand tu le manges seul, vous voyez comment l’autre est tombé… ». Une métaphore culinaire qui en dit long sur son approche du scrutin du 12 avril 2025, mais qui soulève aussi plusieurs interrogations sur les réelles ambitions de cette candidature.
Cette déclaration illustre parfaitement la stratégie de rassemblement qu’Oligui Nguema met en œuvre depuis plusieurs semaines. Après avoir capté les soutiens de Barro Chambrier (RPM), Jean-François Ndong Obiang (REAGIR) et Raymond Ndong Sima (Alliance patriotique), le chef de la Transition continue d’élargir sa base en rassurant les élites politiques sur une redistribution du pouvoir une fois élu. Une approche pragmatique qui vise à fédérer un maximum d’alliés avant l’échéance électorale. Pourtant, cette méthode interroge : est-elle le signe d’un véritable projet inclusif ou simplement une stratégie électoraliste ?
Ce discours intervient également dans un contexte où Oligui Nguema peine à présenter un programme de société structuré. Déjà, dans sa tribune officielle, il s’était davantage appuyé sur les réalisations du CTRI que sur une vision d’avenir détaillée. Le Rassemblement des Bâtisseurs (RDB), lancé récemment pour porter sa candidature, affiche lui aussi des objectifs génériques sans mesures concrètes sur les grands défis du pays. L’argument du gâteau à partager semble donc davantage orienté vers les acteurs politiques que vers une véritable proposition de transformation pour les Gabonais.
Il est aussi intéressant de noter la mise en garde implicite contenue dans son discours : « Quand tu le manges seul, vous voyez comment l’autre est tombé… ». La référence à Ali Bongo Ondimba, déchu après quatorze ans de pouvoir sans partage, est transparente. Oligui Nguema semble ainsi vouloir rassurer ceux qui craindraient une centralisation du pouvoir entre ses mains en promettant un partage plus équitable des responsabilités. Mais cela pose une question cruciale : cette répartition du pouvoir sera-t-elle réellement au service du pays ou simplement un jeu d’équilibres politiques pour sécuriser son règne ?
Enfin, cette déclaration met en lumière une réalité fondamentale de la présidentielle 2025 : avec la majorité des figures d’Alternance 2023 désormais ralliées à la Transition, le scrutin s’annonce comme une formalité pour Oligui Nguema. En garantissant aux acteurs politiques un accès au pouvoir en échange d’un soutien immédiat, il verrouille progressivement le jeu électoral, laissant peu de place à une véritable alternative démocratique. Si cette stratégie lui assure une victoire confortable, elle risque néanmoins de renforcer la perception d’une élection plus orientée vers la consolidation d’un pouvoir déjà en place que vers un véritable choix pour l’avenir du Gabon.