Dans un contexte de pression croissante sur le panier de la ménagère, le Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, a ordonné la mise en place accélérée d’une centrale d’achats publique dédiée aux produits de première nécessité. Cette décision stratégique vise à juguler la flambée des prix alimentaires et à restaurer le pouvoir d’achat des ménages, en particulier les plus vulnérables. Elle fait suite à l’intervention remarquée d’Henri-Claude Oyima, ministre de l’Economie, des Finances, des Participations, de la Dette, en charge de la lutte contre la vie chère et président de BGFIBank, sur TV5 Monde, où il a plaidé pour une action structurelle de l’État face à la vie chère. Moins d’une semaine plus tard, l’exécutif emboîte le pas avec un dispositif étatique à fort potentiel d’impact.
Cette centrale aura pour mandat de négocier directement auprès des producteurs et fournisseurs nationaux et internationaux afin d’obtenir des prix d’achat préférentiels, qu’elle répercutera sur les prix de vente au consommateur. Le but est de réduire les intermédiaires, souvent sources de spéculation. En 2023, les marges entre prix d’entrée portuaire et prix final sur certains produits comme le riz, le sucre ou l’huile atteignaient jusqu’à 200%, selon l’Agence de régulation des marchés. Ce mécanisme devrait permettre une réduction de 20 à 40% sur plusieurs produits ciblés.
Au-delà de la régulation conjoncturelle, cette centrale devra aussi constituer des stocks tampons capables de stabiliser les prix en cas de crise logistique, climatique ou géopolitique. Le Gabon importe près de 80 % de ses produits alimentaires, ce qui le rend vulnérable aux fluctuations mondiales. En 2022, la guerre en Ukraine avait entraîné une hausse de plus de 30% sur le prix du blé et de ses dérivés. Disposer de réserves stratégiques équivalentes à trois mois de consommation pourrait éviter les flambées spéculatives observées ces dernières années.
Le plan opérationnel devra impérativement inclure une logistique de distribution capillaire sur l’ensemble du territoire, y compris les zones enclavées où les prix sont souvent doublés. Cela suppose des entrepôts régionaux, des partenariats logistiques, et potentiellement un maillage via les structures locales comme les coopératives ou les mairies. Selon les estimations initiales, un budget de 60 à 80 milliards de fcfa pourrait être nécessaire pour les infrastructures, les achats initiaux et la montée en régime du dispositif sur deux ans.
En plus de répondre à l’urgence sociale, cette initiative peut devenir un levier économique structurant. Elle pourrait soutenir la production locale via des achats garantis, améliorer la transparence des marchés et professionnaliser les filières de distribution. Toutefois, son succès dépendra d’une gouvernance rigoureuse, d’un pilotage technocratique et de la coordination avec les producteurs et importateurs. À 45 jours de la remise du plan opérationnel par les ministres de l’Économie et du Commerce, les attentes sont immenses : il s’agit de transformer une volonté politique en une machine logistique performante.