Maître Anges Kevin Nzigou, avocat et leader du Parti pour le Changement (PLC), n’a cessé de marquer la scène politique gabonaise par ses positions fermes et son opposition à l’ancien régime de la famille Bongo. Cependant, à la lumière de ses récentes déclarations sur la transition politique dirigée par le général Oligui Nguema, un virage à 360 degrés semble s’opérer dans sa posture politique. Ce retournement, qui prend la forme d’un rapprochement tactique avec le pouvoir en place, suscite de nombreuses interrogations sur ses intentions et ses motivations.
Dans une interview accordée à TV5 Monde et publiée fin février 2024, Anges Kevin Nzigou exprimait des critiques acerbes à l’égard du président de la Transition, le général Oligui Nguema, qu’il accusait d’adopter un style de gouvernance «autoritaire» et «populiste». Ces critiques avaient pour objectif de dénoncer ce qu’il percevait comme une continuité du système Bongo sous une forme réinventée. Cependant, plusieurs mois après cette prise de position ferme, des signaux contradictoires apparaissent.
Le retournement de la situation
De nombreux indices laissent désormais penser qu’Anges Kevin Nzigou pourrait être en train de modifier sa stratégie politique vis-à-vis du pouvoir. Ses nombreux appels à voter en faveur du «Oui» et sa défense du «Oui» sur les plateaux de télévision l’attestent. Il semble désormais plus conciliant, voire favorable au CTRI, voire à une collaboration tacite avec les autorités de la Transition. Ce changement de ton pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs.
D’abord, la transition elle-même, qui s’est étendue au-delà des attentes initiales de certains opposants, bien au-delà du temps, montre des signes de stabilité relative, bien qu’elle reste fragile. Le général Oligui Nguema a su capitaliser sur sa popularité auprès des couches populaires, tout en réussissant à maintenir un équilibre de façade avec les élites politiques et économiques du pays. Cette dynamique semble avoir poussé Nzigou à revoir son opposition frontale, en privilégiant une approche plus diluée.

Ensuite, l’évolution des rapports de force internes à la classe politique gabonaise a joué un rôle non négligeable. Le PLC de Nzigou, bien qu’opposant traditionnel, semble désormais se retrouver dans une position où il doit naviguer prudemment entre l’opposition, le pouvoir en place, et l’attente des populations en termes de réformes sociales et économiques. En témoigne sa récente déclaration selon laquelle le général Oligui pourrait être élu président lors de la prochaine élection, ce qui suggère une forme de reconnaissance tacite de l’inévitabilité de sa position sur l’échiquier politique gabonais.
Le risque de l’ambiguïté politique
Le changement d’attitude de Maître Nzigou soulève toutefois des interrogations sur la sincérité de ses intentions. S’agit-il d’une posture stratégique visant à influencer les dynamiques de la transition ou d’un véritable tournant dans son projet politique ? Nombreux sont ceux qui pointent l’ambiguïté de sa démarche, le voyant tantôt comme un opposant qui se résigne à la nouvelle réalité du pouvoir, tantôt comme un homme politique en quête de légitimité à tout prix.
L’un des aspects les plus complexes de la situation réside dans le fait que, même si le général Oligui a pris des mesures qui peuvent sembler novatrices, sa gestion reste marquée par l’héritage des années Bongo, avec de nombreux anciens ministres et figures de l’ancien régime toujours présents dans les rouages de l’administration. La question de la véritable rupture avec le passé demeure donc posée, et il est possible qu’Ange Kevin Nzigou cherche à exploiter ces tensions internes pour se positionner comme un interlocuteur incontournable dans le cadre des futures négociations politiques.
Le virage pris par Anges Kevin Nzigou pourrait bien avoir des conséquences durables sur la politique gabonaise. Si le leader du PLC parvient à jouer sa carte habilement, il pourrait émerger comme une figure clé dans la stabilisation de la transition ou, au contraire, risquer de perdre toute crédibilité en raison de sa flexibilité apparente. La situation est d’autant plus délicate que, malgré des critiques sur la nature autoritaire du régime, de nombreux observateurs estiment que la transition offre une opportunité unique de réformer en profondeur le pays et d’engager un dialogue sincère entre les différentes forces politiques.