TotalEnergies a décroché il y a quelques mois un nouvel avenant avec l’État gabonais, prolongeant son exploitation pétrolière jusqu’en 2042. Un contrat qui, sur le papier, assure des revenus pour le pays avec un impôt sur les sociétés fixé à 55 %, une redevance minière de 12 % et quelques engagements environnementaux, notamment la réduction du torchage du gaz. Un deal gagnant-gagnant ? Pas si vite. Derrière ces chiffres, plusieurs éléments montrent que TotalEnergies s’en sort nettement mieux que le Gabon dans cette affaire.
Les chiffres ne mentent pas. 292 milliards de fcfa, c’est le chiffre d’affaires que TotalEnergies a généré au Gabon en 2024. Un montant colossal. De son côté, l’État gabonais se contente des impôts et des redevances, mais sans jamais toucher directement à la production. Pas de participation étatique, pas de partage de production, et surtout, TotalEnergies peut récupérer l’intégralité de ses coûts pétroliers, sans limite. En clair, tant que l’entreprise n’a pas amorti ses investissements, les bénéfices pour l’État restent minimisés. Et vu l’ampleur des projets pétroliers, cette phase d’amortissement peut s’étaler sur des années, voire des décennies. Un contrat qui laisse donc peu de place aux marges de négociation pour le Gabon.
Autre point d’attention dans ce contrat : l’absence totale de projets énergétiques dans l’accord. Pendant que Libreville et Port-Gentil subissent des délestages à répétition, aucune clause ne prévoit un engagement de TotalEnergies dans la production d’électricité. Pourtant, ailleurs en Afrique, l’entreprise investit dans des projets énergétiques. En Afrique du Sud, elle s’engage à fournir 850 GWh/an d’électricité verte. Au Nigeria, elle injecte 6 milliards de dollars dans le secteur énergétique. Mais au Gabon ? Rien. Zéro projet solaire, zéro éolien, pas même une modernisation du réseau électrique.
Pour un pays qui peine à assurer une alimentation stable en électricité, il y avait pourtant là une opportunité à saisir. Pourquoi cette question n’a-t-elle pas été intégrée aux négociations ? Pourquoi laisser un acteur comme TotalEnergies exploiter les ressources du pays sans exiger en retour des investissements dans un secteur aussi vital que l’énergie ?
Et puis, il y a ce fameux bonus de signature, accordé à l’État dès la conclusion du contrat. Un paiement unique dont le montant exact n’a pas été révélé, mais qui remplace tout autre type de bonus futur. Contrairement à d’autres pays qui négocient des bonus de production (en fonction du volume extrait) ou des bonus de renouvellement, le Gabon s’est contenté d’un paiement immédiat, sans prévoir de mécanisme pour garantir un flux financier régulier sur le long terme. Une erreur stratégique, car cela signifie que, quelle que soit l’évolution du marché, les revenus supplémentaires liés à une éventuelle hausse de production ne profiteront qu’à TotalEnergies.
Au final, cet avenant garantit une certaine stabilité financière pour l’État, mais à quel prix ? Un contrat verrouillé jusqu’en 2042, un accès limité aux revenus pétroliers, aucune exigence sur l’énergie, et une récupération des coûts sans restriction. Pendant ce temps, TotalEnergies sécurise ses opérations, continue de générer des milliards, et s’assure une rentabilité maximale avec des marges de manœuvre quasi illimitées. De quoi se demander si le Gabon s’est battu pour que ce contrat soit vraiment équilibré… ou s’il s’agit simplement d’un jackpot pour céder à la multinationale.