Depuis la mise en service des barges électriques de Karpowership, censées améliorer la fourniture d’énergie au Grand Libreville, les coupures d’électricité persistent. Ces interruptions, parfois quotidiennes et durant plus de deux heures, suscitent l’exaspération des usagers. Pourtant, la société turque rejette toute responsabilité, pointant du doigt les insuffisances techniques du réseau gabonais, dont la gestion revient à la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG).
« Notre mission est de produire l’électricité et de la livrer au point convenu avec le distributeur national. La SEEG est responsable du transport et de la distribution vers les foyers », a déclaré un représentant de Karpowership, réfutant ainsi tout lien entre ses activités et les délestages. Les deux centrales flottantes, d’une capacité initiale prévue de 70 MW, ont été raccordées au réseau en février 2025 après un long processus de négociation. Malgré leur apport, les délestages restent fréquents, ce qui alimente un climat de défiance vis-à-vis des institutions techniques.
En interne, la SEEG admet faire face à un parc de production et de distribution en état de délabrement avancé. Les groupes thermiques en activité datent, pour certains, d’il y a plus de 30 ans, tandis que des infrastructures hydrauliques dépassent les 50 ans d’âge. Le manque d’investissements constants, estimés à plus de 475 milliards de FCFA nécessaires, aggrave les pertes d’énergie en ligne et limite la capacité à distribuer efficacement l’électricité disponible, quelle que soit la quantité produite par des partenaires extérieurs.
Cette crise énergétique survient dans un contexte de tensions contractuelles entre l’État gabonais et Karpowership. En octobre 2024, le contrat initial a été suspendu en raison de « manquements constatés » dans sa mise en œuvre. Une renégociation a permis de relancer la fourniture d’énergie en février 2025, bien que sur une base plus restreinte. Toutefois, malgré ce compromis, les bénéfices escomptés se font attendre, laissant place à de nouvelles frustrations dans l’opinion publique.
Alors que la production d’électricité semble suffisante en théorie, le goulot d’étranglement se situe clairement au niveau du transport et de la distribution. Pour sortir de cette impasse, le Gabon devra engager des réformes profondes de la SEEG, repenser son modèle de gouvernance énergétique et lancer des investissements lourds dans la modernisation de son réseau. Sans cela, même les meilleurs producteurs resteront impuissants face à un système incapable de livrer l’électricité là où elle est attendue.