Dans l’émission “1 candidat, 1 projet” diffusée sur Gabon 1ère, Alain-Claude Bilie-By-Nze a qualifié le rachat d’Assala Energy par la Gabon Oil Company (GOC) de véritable « catastrophe industrielle et financière ». Pour l’ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle du 12 avril prochain, l’État aurait commis une erreur stratégique majeure en misant sur des champs pétroliers matures, à l’abandon, plutôt que d’investir intelligemment dans l’aval pétrolier, soit dans le stockage, la distribution et la pétrochimie, là où la valeur ajoutée locale est plus forte. Tentant de répondre à l’ancien Premier ministre, Arnauld Calixte Engandji-Alandji, ancien ADG de Gabon Oil Company (GOC) sous Ali Bongo et conseiller spécial du président de la Transition, a donné quelques éléments d’appréciation, mais qui laissent perplexe.
Chez nos confrères de Gabon Media Time, l’ancien administrateur-directeur général de la GOC, renverse l’argument : « L’erreur initiale, dit-il, c’est d’avoir permis la vente des actifs de Shell à un fonds d’investissement. » Pour lui, Carlyle, propriétaire d’Assala, n’était pas un opérateur industriel mais un acteur financier, dont la seule logique est celle du profit rapide via l’achat-restructuration-revente. Le rachat par l’État, selon lui, s’inscrit dans une logique de souveraineté, d’autant que Maurel & Prom (filiale de Pertamina, compagnie nationale indonésienne) était sur le point de s’en emparer.
Engandji-Alandji évoque également une stratégie plus large portée par le président Oligui Nguema, notamment le développement de dépôts pétroliers pour garantir une sécurité énergétique de 6 à 12 mois, évitant ainsi les investissements coûteux dans les raffineries. Il y voit une approche rationnelle, adaptée aux réalités financières du pays.
Mais cette ligne de défense montre des limites. D’abord, Engandji-Alandji n’aborde jamais directement le coût colossal du rachat, estimé à plus de 700 milliards fcfa, alors même que le contexte budgétaire est tendu. Ensuite, il évacue la question centrale soulevée par Bilie-By-Nze : pourquoi ne pas concentrer ces ressources sur l’aval pétrolier, moins risqué, plus accessible, et potentiellement plus rentable pour l’économie locale ? Le raffinage, la distribution ou encore la pétrochimie permettant de générer de l’emploi, de structurer un tissu industriel local, et de réduire les importations de produits finis de l’étranger.
Par ailleurs, l’exploitation de champs matures nécessite un savoir-faire pointu, des technologies avancées et une capacité à absorber d’éventuelles pertes. Même si l’État monte en compétence, il prend le pari d’un retour sur investissement incertain, dans un secteur en mutation constante. Pour finir, Arnauld Engandji compare ce rachat avec « l’implantation d’une station-service à Okandja », ce qui paraît discutable : ce qui peut relever du service public ou d’une politique d’aménagement du territoire ne justifie pas, en soi, un investissement massif dans l’amont pétrolier.
Au final, ce débat met en lumière deux visions de l’avenir pétrolier du Gabon : celle d’un rachat souverainiste visant à préserver des actifs et des revenus, face à celle d’une industrialisation plus structurante et orientée vers la transformation locale. Le défi pour les autorités reste de prouver que ce choix stratégique ne se traduira pas, à terme, par un gouffre financier pour le pays.