Le projet de révision constitutionnelle au Gabon soulève une question fondamentale : le renforcement du pouvoir exécutif au détriment des autres institutions. L’une des dispositions les plus controversées de cette révision est la concentration des pouvoirs autour du futur président de la République. En effet, le projet propose une présidence quasi monarchique, où le chef de l’État détiendrait une influence excessive, notamment sur le gouvernement et le parlement. Même si Geoffrey Foumboula, vice-président de l’Assemblée nationale et Anges Kevin Nzigou, avocat et leader du parti Pour le Changement (PLC), ont tenté de démontrer le contraire au détour d’un débat télévisé durant cette campagne, le fait est que le véritable problème autour de cette hyperprésidentialisation réside essentiellement dans la ligne excessivement fine qui existe entre les différents pouvoirs.
Une réminiscence d’un système autocratique
Cette concentration du pouvoir exécutif dans les mains du futur président est perçue par de nombreux observateurs comme une réminiscence d’un système autocratique, renforcé par le maintien du poste de «Président à vie» dans certaines propositions. De nombreux Gabonais, traumatisés par des décennies de pouvoir autoritaire sous les régimes précédents, se demandent si une telle révision n’aggraverait pas la situation, au lieu d’ouvrir la voie à un gouvernement plus démocratique et équilibré.
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D’un point de vue juridique, ce renforcement du pouvoir présidentiel pourrait nuire à la séparation des pouvoirs et à l’équilibre institutionnel, principes fondamentaux de toute démocratie. L’Assemblée nationale et les autres institutions de contrôle risqueraient de perdre leur capacité à jouer un rôle effectif de contre-pouvoir, ce qui nuirait à la transparence et à la justice des décisions politiques. Qui aurait réellement la capacité de dire «Non» au président de la République, d’autant qu’il s’assurerait naturellement une majorité dans les deux chambres du parlement?
Accentuation de la méfiance des Gabonais
Pour de nombreux analystes, cette concentration du pouvoir ne fait qu’accentuer la méfiance des Gabonais vis-à-vis des réformes proposées. Le pays a besoin d’une véritable transition démocratique et d’une limitation des pouvoirs du président pour instaurer une gouvernance plus inclusive. Au lieu de renforcer une présidence omnipotente, il aurait été plus pertinent de réformer les institutions pour garantir une plus grande indépendance de la justice et du parlement, tout en permettant une meilleure séparation des pouvoirs.
Dans ce contexte, une question se pose : la révision constitutionnelle répond-elle réellement aux aspirations démocratiques des Gabonais ? Ou s’agit-il simplement d’un moyen de légitimer un pouvoir encore plus centralisé ? La transparence des processus politiques et l’inclusivité des réformes devaient être des priorités essentielles pour garantir la stabilité du pays à long terme. Peut-on réellement espérer une gouvernance inclusive et une réelle participation économique de tous les citoyens dans un pays où les politiques sont au centre de tout?
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Les Gabonais attendent une véritable démocratie
Les Gabonais, tout comme les observateurs internationaux, attendent de cette révision constitutionnelle qu’elle favorise une véritable démocratie, avec des pouvoirs équilibrés et une représentation effective des citoyens. L’histoire récente du Gabon montre que renforcer un système déjà très autoritaire pourrait entraîner de nouvelles tensions sociales, voire des conflits politiques à long terme. Certes il y a quelques changements, mais ils semblent bien trop cosmétiques pour avoir un réel impact sur l’avenir du pays. Le fait qu’avec les moyens de l’Etat, les dirigeants actuels aient mis en place une coordination nationale du «Oui» avec les moyens de l’Etat, sans en faire autant pour le «Non» démontre bien cette volonté affirmée d’imposer ce projet.