Dans un contexte économique marqué par de fortes inégalités, la fiscalité est souvent utilisée comme un outil de redistribution et de régulation des marchés. C’est dans cette logique que l’État gabonais a introduit une taxe sur les véhicules neufs pour 2025. Présentée comme une mesure visant à instaurer une certaine équité entre les différentes classes sociales et à compenser l’impact environnemental du parc automobile, cette taxe soulève néanmoins des questions quant à son efficacité réelle. L’objectif affiché est-il réellement atteignable ? Qui en supportera véritablement le coût ?
Dans de nombreux pays, des taxes similaires existent avec des objectifs précis. En France, par exemple, le malus écologique appliqué aux véhicules polluants a permis de collecter 1,3 milliard d’euros en 2023, réinvestis dans la transition énergétique du secteur automobile. De son côté, le Brésil applique une taxe de 11% sur les véhicules neufs, un dispositif qui alimente directement les infrastructures routières et les projets de mobilité urbaine. Mais au Gabon, aucun mécanisme clair de redistribution n’a été précisé, ce qui laisse planer le doute sur la finalité de cette taxe.
Structure du marché automobile gabonais
Un autre problème réside dans la structure même du marché automobile gabonais. Contrairement à l’Europe ou aux États-Unis, où les voitures neuves dominent, le Gabon importe massivement des véhicules d’occasion, qui représentent environ 80% du marché. Cette taxe risque donc d’avoir un impact limité, car elle ne concernera qu’une minorité de transactions. Les ménages les plus aisés continueront d’acheter des véhicules neufs, tandis que les classes moyennes et populaires, déjà fortement taxées sur le marché de l’occasion, ne verront aucune amélioration en termes d’accessibilité à l’automobile.
L’un des principaux risques de cette mesure est qu’elle soit purement symbolique. Sans un cadre clair définissant l’utilisation des fonds collectés, cette taxe n’est qu’une simple manœuvre pour alourdir la fiscalité sans réel bénéfice pour la population. Or, dans un pays où la mobilité reste un défi – avec un réseau de transports en commun limité et des infrastructures routières parfois défaillantes – l’instauration d’une telle taxe doit s’accompagner d’un projet d’ensemble pour améliorer les conditions de transport.
En définitive, si elle vise réellement à favoriser un certain équilibre fiscal entre les différentes catégories sociales et à encourager un renouvellement du parc automobile vers des modèles plus écologiques, elle devra être assortie d’un plan d’investissement clair. Faute de quoi, elle risque de rejoindre la liste des prélèvements fiscaux dont la population peine à percevoir les retombées positives.