La récente signature d’un accord de coopération entre le Gabon et la Chine, annoncée à la suite du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), a été présentée comme une avancée significative pour le secteur médiatique gabonais. Cependant, ce partenariat, au-delà de ses promesses de renforcement des capacités et de création de contenus, soulève plusieurs questions critiques concernant l’indépendance des médias et la souveraineté culturelle du Gabon.
Laurence Ndong, ministre gabonais de la Communication et des Médias, a souligné l’objectif de cet accord : améliorer la qualité des contenus audiovisuels en s’inspirant des standards internationaux. Si l’intention semble louable, il est essentiel de s’interroger sur la nature des standards proposés par la Chine, dont le modèle médiatique est largement contrôlé par l’État.
Cet accord permet à la Chine d’étendre son influence culturelle en Afrique par le biais des médias, un soft power subtil qui pourrait progressivement influencer les récits médiatiques locaux en faveur des intérêts chinois. En échange de compétences et de technologies, le Gabon risque d’acquiescer à une dépendance médiatique susceptible d’éroder l’indépendance éditoriale. Le ministère de la Communication et des Médias rassure en rappellant que « l’objectif de cette rencontre est de rassembler les acteurs du secteur de la communication des pays africains et chinois pour explorer de nouvelles voies de coopération visant à améliorer la qualité des contenus audiovisuels diffusés dans les médias d’Afrique et de Chine« .
Échange de compétences : à quel prix?
Le renforcement des capacités professionnelles est un atout indéniable pour le personnel des médias publics gabonais. Cependant, la nature de cet échange de compétences n’est pas clairement définie. Quelles seront les priorités de formation? Quels contenus seront valorisés? Sans précautions adéquates, le risque de biais idéologique demeure, et les médias gabonais pourraient se retrouver instrumentalisés dans le grand jeu de l’influence mondiale.
Souveraineté culturelle en jeu
L’échange de contenus et la collaboration sur des projets cinématographiques et télévisuels apportent une dimension supplémentaire à cet accord. L’Afrique, et le Gabon en particulier, possède une richesse culturelle unique qui pourrait être diluée sous l’impact culturel d’une puissance étrangère. Le défi sera de maintenir un équilibre entre l’intégration de nouveaux savoir-faire et la préservation de l’identité culturelle nationale.
L’accord sino-gabonais apparaît comme une initiative porteuse d’opportunités mais garnie de défis critiques. Les autorités gabonaises devront naviguer prudemment entre l’enrichissement professionnel offert par ce partenariat et la préservation de l’intégrité et de l’indépendance de leurs médias. Une surveillance stricte et des garde-fous devront être instaurés pour garantir que cette coopération ne devienne pas un levier de contrôle, mais demeure un instrument de développement mutuel et de respect des identités culturelles.