Depuis plusieurs années, le Gabon est confronté à une détérioration progressive de son service public de l’eau potable et de l’électricité, marquée par des coupures fréquentes et un accès limité aux ressources essentielles. Dans une tribune publiée sur Direct Infos Gabon, Étienne Dieudonné Ngoubou, ancien ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Ressources Hydrauliques sous l’ère Ali Bongo, dresse un constat sans appel sur l’effondrement de ce secteur vital.
Une série de décisions politiques hasardeuses
Selon lui, la situation actuelle découle d’une série de décisions politiques hasardeuses et d’un abandon progressif de la maintenance des infrastructures. « Depuis quelques mois, le service public de l’eau potable et de l’électricité fait face à de multiples difficultés qui se traduisent, pour les consommateurs, par une rupture temporaire ou permanente de fourniture d’eau potable et d’électricité », affirme-t-il. Il pointe notamment du doigt l’héritage laissé par Veolia, qui, après s’être progressivement désengagé du pays, a cessé d’entretenir les équipements, accélérant leur dégradation.
Ngoubou rappelle que dans les années 1980 et 1990, le Gabon était un modèle en Afrique en matière de fourniture d’énergie et d’eau potable. « Nous avions un taux d’interruption des fournitures très bas, moins de 10 heures par an, l’un des meilleurs en Afrique, semblable aux pays européens. » Toutefois, il estime que l’arrivée de Veolia en 1997, dans le cadre d’une concession, a marqué le début d’un processus de privatisation déséquilibré, où l’État a progressivement perdu le contrôle sur ses infrastructures stratégiques.
Le poids de la dette de l’État
Un autre facteur clé mis en avant par l’ancien ministre est le poids de la dette publique vis-à-vis de la SEEG. « À la date du 30 août 2023, la dette de l’État envers la SEEG avoisinait les 150 milliards de fcfa. » Cette situation a créé un effet domino sur l’ensemble du secteur, entraînant une incapacité à financer l’entretien des installations et, par conséquent, une dégradation accrue du service. Il critique également le manque de transparence dans la gestion des recettes de la SEEG : « À quoi servent les recettes des factures qu’honorent les clients de la SEEG ? »
Face à cette crise, Ngoubou propose plusieurs réformes structurelles pour rétablir la stabilité du secteur. Il recommande une meilleure régulation des finances de la SEEG, la mise en place d’un audit complet du fichier client et une modernisation des infrastructures énergétiques. « Il va falloir que le gouvernement mette de l’ordre dans le secteur de l’eau potable et de l’électricité, en rationalisant les intervenants et en assurant une rémunération financière de tous les acteurs. » Il appelle également à une dépolitisation des décisions stratégiques, affirmant que « les secteurs de l’eau potable et de l’électricité nécessitent des planifications sur des périodes longues (10 à 20 ans), ce que les décisions politiques de court terme ne permettent pas. »
Une réforme en profondeur
Enfin, il insiste sur la nécessité d’une réforme en profondeur et rapide, pour lui « il est encore temps de rendre à notre service public de l’eau potable et de l’énergie électrique ses lettres de noblesse en l’expurgeant des influences politiques. Ceci peut être réalisé en six mois. » Selon lui, sans une action immédiate, le Gabon continuera de subir les conséquences d’une gestion erratique de ses ressources essentielles, menaçant ainsi son développement économique et social.