Question essentielle mais trop souvent reléguée au second plan face notamment à un populisme assumé par les autorités, la gestion de la dette publique reste pourtant un enjeu crucial, primordial même, pour un pays comme le Gabon. En plus d’obérer le développement économique et social du pays, elle freine toute velléité expansionniste.
En constante évolution depuis une dizaine d’années, sa gestion a pourtant très souvent été confiée à des économistes. De Rose Christiane Ossouka Raponda sous Ali Bongo Ondimba à Raymond Ndong Sima sous Brice Clotaire Oligui Nguema, personne ne semble y arriver. La question de la dette publique reste un sujet central, d’autant qu’aujourd’hui elle se situe à plus de 7000 milliards de fcfa.
Dette, une équation à plusieurs variables
Analyse des tendances économiques et réalisation de prévisions justes et précises, optimisation des coûts de financement, planification budgétaire stratégique, évaluation des impacts économiques, conseils sur la durabilité de la dette, équité intergénérationnelle etc. L’équation de la dette publique a plusieurs variables qu’il faut nécessairement prendre en compte. Et qui de mieux que des économistes pour le faire? A première vue personne.
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Pourtant, ces derniers se sont essayés à maintes reprises, sans pour autant y arriver, alors même que chacun des plans stratégiques évoqués dans ce pays faisait état d’une restructuration d’une dette passée en un peu moins de dix ans de 3165 milliards de fcfa à 7080 milliards de fcfa, soit de 1300 milliards de fcfa en 2010 à 7080 milliards de fcfa en 2023.
Une gestion peu orthodoxe de la dette de 2010 à nos jours ?
Du Plan stratégique Gabon Emergent (PSGE) où elle était évaluée à 1300 milliards de fcfa, au Plan de relance de l’économie (PRE 2017-2019) de feu Issoze Ngondet où elle se situait à 4807 milliards de fcfa, en passant par le Plan d’accélération de la transformation (PAT) de Rose Christiane Ossouka Raponda où elle avait déjà atteint 6300 milliards de fcfa, l’exécutif a toujours, sur le papier, mis un accent particulier sur la gestion de la dette. Seulement, dans les faits, cette question apparaît toujours au second plan.
Dans le PSGE par exemple, l’exécutif s’engageait à « veiller à mettre en place et à maintenir un cadre macroéconomique sain, avec la bonne gestion des finances publiques, le suivi et le respect des critères de convergence multilatérale de la zone CEMAC et des critères de soutenabilité de la dette et la mise en œuvre de la réforme comptable, financière et fiscale ». Pourtant rien.
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Dans le PRE, il s’engageait encore une fois à « maîtriser le niveau d’endettement public du pays, en le maintenant sur la période 2017 – 2019 à 40% du PIB », toujours rien, même si à la décharge des gouvernements Issoze Ngondet et Nkoghe Bekale, la crise du Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Pour autant, des « dérapages budgétaires substantiels » comme le présentait le FMI ont grandement favorisé l’explosion du niveau d’endettement public. Dans le PAT, l’exécutif reconnaissait « une spirale de déficit et d’endettement qui devait être enrayée (…) un risque d’effet ciseau
entre des dépenses plus dynamiques que les recettes (…) et une efficience de la dépense publique qui devait être renforcée ». Là encore, les populations ont plutôt été témoin d’un nouveau cycle de dépenses sans issue favorable pour elles, à leur grand dam.
Quelle stratégie de financement en 2024 ?
Aujourd’hui, après le coup de… “libération”, le Plan national de développement pour la transition évoque à son tour, dans un langage détourné, une « stratégie de financement qui prévoit d’aligner tous les flux de financements possibles à mobiliser aux priorités et urgences nationales dans le respect des seuils d’endettement national (35% du PIB) et régional (70% du PIB) ».
Mais voilà que six mois après sa mise en œuvre, ses mêmes critères de convergence sont d’ores et déjà dépassés et le niveau d’endettement pourrait dépasser les 76% du PIB d’ici la fin de l’année. C’est à croire que l’exécutif et ses économistes excellent dans les effets d’annonce et non dans les réalisations concrètes.