lundi, septembre 9, 2024
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    Eugène Jr. Bekale : “la main d’œuvre non-permanente de l’Etat peut-elle connaître une amélioration de ses conditions de traitement ?”

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    Dans une tribune exclusive reçue par la rédaction d’Inside News241, l’universitaire Eugène Junior Bekale met le doigt sur un sujet brûlant de l’actualité :  la main d’œuvre non-permanente de l’État (MONP) dont les règles de gestion sont précaires en termes de salaire et de cessation définitive d’activité. Pour le juriste, ces agents “méritent un traitement quasi-similaire à d’autres agents publics comme la mise en place d’un statut spécifique”. Lecture.

    A l’heure ou les Gabonais s’interrogent sur les réalisations du Gouvernement de la transition par rapport à celles du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Il paraît nécessaire de mettre en exergue une question que l’exécutif pourrait pleinement régler sans l’intervention du C.T.R.I. pour apporter de meilleures conditions de vie à une catégorie d’Agent Public. Il s’agit de la main d’œuvre de l’État (MONP) dont les règles de gestion sont précaires en termes de salaire et de cessation définitive d’activité. Or, l’exécutif pourrait y remédier à travers un acte administratif du ministre en charge du Budget.

    Qu’est-ce qu’une main d’œuvre non-permanente ?

    Notons que la MONP sont des Agents publics de l’État conformément à l’article 7 de la loi N°001/2005 du 4 février 2005 portant statut général de la fonction publique qui dispose que : “Ont qualité d’agent public, les personnes recrutées pour exercer une ou plusieurs activités d’intérêt général”. En d’autres termes, la MONP, qui est recrutée par décision ou lettre d’engagement pour l’accomplissement d’une mission d’intérêt général par les services de l’État, entrent dans la catégorie d’agent public. Par conséquent, ils méritent un traitement quasi-similaire à d’autres agents publics comme la mise en place d’un statut spécifique ce qui n’est pas le cas à ce jour.

    Le régime juridique régissant leur fonctionnement est méconnu

    Bien que ce personnel soit régi par un ensemble de textes et précisément le code du travail et la Circulaire n° 40/MFEBP/CABME/SG/DGB du 8 janvier 2007 relative à la gestion des crédits de la main-d’œuvre de l’État. Il se trouve que le régime juridique qui leur est appliqué, semble peu connu, des magistrats, des fonctionnaires, voire des membres du gouvernement.

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    En effet, dans les faits, cela peut s’apprécier dans un premier temps à travers les condamnations décidées par les tribunaux à l’égard des administrations utilisatrices. Notamment lorsqu’elles suivent la procédure d’admission de départ à la retraite de la MONP fixé à 55 ans par l’article 7-c de la Circulaire N° 40/MFEBP/CABME/SG/DGB du 8 janvier 2007 relative à la gestion des crédits de la main-d’œuvre de l’État et l’article 3 du décret N°1498/PR/MTEPS du 29 décembre 2011 réglementant les dérogations relatives à la limite d’âge de départ à la retraite dans certains secteurs d’activités et de certains personnels.

    Circulaire portant âge de départ à la retraite de la MONP

    Dans un second temps à travers la volonté des inspecteurs du travail, au cours des conciliations, de faire appliquer stricto sensu l’alinéa 1er de l’article 78 du Code du travail qui dispose que : “Le départ à la retraite est la cessation par le travailleur atteint par la limite d’âge de toute activité salariée. Il intervient à l’initiative de l’employeur ou du travailleur. Cette limite d’âge est fixée à soixante ans”. Pourtant l’alinéa 2 du même article prévoit qu’en raison du caractère particulier de certains secteurs d’activité, l’âge du départ à la retraite peut être ramené à 55 ans au moins où être porté à 65 ans au plus. C’est dans cet ordre d’idées que l’article 7-c de la Circulaire N° 40/MFEBP/CABME/SG/DGB du 8 janvier 2007 et l’article 3 du décret N°1498/PR/MTEPS du 29 décembre 2011 porte l’âge de départ à la retraite de la MONP à 55 ans.

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    Enfin, certains membres du Gouvernement ou leurs équipes semblent méconnaitre la Circulaire susmentionnée. Puisqu’on constate qu’ils semblent découvrir d’abord que c’est la solde qui paye les salaires, bien qu’étant fixé par les administrateurs de crédits dans les limites des autorisations du ministère en charge des finances, ensuite que les conditions d’admission à la retraite sont impératives à 55 ans.

    Une grille salariale en deçà des attentes

    Ceci dit, un bref rappel de quelques points sur la gestion de la MONP est utile. A cet effet, en ce qui concerne la rémunération, elle est fixée par l’article 5-a de la circulaire ci-dessus citée. Le niveau de salaire est laissé à l’appréciation de l’administrateur de crédits dans la limite du budget ouvert par la loi des finances. Et pour éviter les distorsions entre services, le texte arrête une grille salariale dont la plus petite rémunération est fixée à 80.000 Fcfa (certainement pour se conformer à l’article 2 du décret N°855/PR/MTE du 9 novembre 2006, fixant le salaire minimum interprofessionnel garanti – Smig) et la plus importante à 115.000 Fcfa de fonctionnement.

    Cela ne doit pas conduire à conclure que ces agents perçoivent à la caisse moins de 150.000 Fcfa qui est le revenu minimum mensuel (RMM). Il s’agit de montrer que la grille salariale fixée par le ministère chargé des Finances pour ces agents publics est faible étant entendu qu’ils accomplissent un travail d’intérêt général et que les administrateurs de crédits, en dépit de leurs prérogatives, ne peuvent pas dépasser exponentiellement le seuil fixé.

    De plus, l’article 7-c de la circulaire N°40/MFEBP/CABME/SG/DGB du 8 janvier 2007 indique que tout agent de la MONP atteignant la limite d’âge de cinquante-cinq ans doit être mis à la retraite. Cette disposition est soutenue par le décret N°1498/PR/MTEPS du 29 décembre 2011 réglementant les dérogations relatives à la limite d’âge de départ à la retraite dans certains secteurs d’activités et de certains personnels. Ce qu’il faut comprendre de ce dernier texte c’est que les agents de la MONP que l’on retrouve dans les ministères sectoriels ne relèvent pas de certains secteurs d’activités comme on peut le voir pour les salariés d’entreprises même si en pratique les activités sont similaires. Ils accomplissent plutôt une activité d’intérêt général et se voient ainsi considérés comme faisant partie des branches assimilées et sont régis par le code du travail.

    La MONP, une personnel d’exécution

    Aussi, on ne peut recruter à la MONP que les emplois dont la liaison avec l’exécution du service public est peu affirmée (article 3 de la circulaire). C’est le cas des emplois à dominante manuelle. Les emplois à caractère intellectuel sont réservés à un recrutement fonctionnaire ou contractuel. Autrement dit, la MONP est un personnel d’exécution (administratif ou technique) ce qui en application du décret porte leur départ à la retraite à 55 ans.

    Dès lors, le constat est que c’est le décret N°1498 déjà cité et la circulaire N°40 qui traite de la question de la MONP. C’est vrai autour on peut citer le Code de sécurité sociale, la loi n° 4/96 du 11 mars 1996 fixant le régime général des pensions de l’État, l’Arrêté n°4240/PM/MFEBP du 5 décembre 1995 modifiant le taux de l’indemnité de responsabilité des billeteurs, le Décret n°173/PR/MTE du 16 février 1982, portant revalorisation de la prime de transport… qui relèvent de la compétence de l’exécutif. 

    Par conséquent, l’exécutif peut faire usage de la règle du parallélisme de forme et de compétence aux fins d’apporter une correction à la situation de la MONP. Le ministre en charge du Budget pourrait d’abord apporter une révision à la circulaire N°40/MFEBP/CABME/SG/DGB du 8 janvier 2007, en reportant l’âge de départ à la retraite à 60 ans (sachant qu’un agent dispose de la possibilité d’anticiper son départ à la retraite). Et ensuite en fonction des disponibilités budgétaires revoir la grille salariale de la MONP à la hausse et supprimer le pouvoir d’appréciation des administrateurs de crédits dans la fixation des salaires pour éviter des rémunérations purement complaisantes (entre copains et coquins). 

    Pour finir, il est nécessaire de vulgariser davantage le régime juridique qui s’applique à la MONP, afin que tous les acteurs soient édifiés.

    Eugène Junior Bekale 

    Juriste et universitaire gabonais

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