La suspension du directeur général du Budget et des Finances publiques (DGBFiP), Aurélien Marcel Mintsa Nguema, ce 17 juin par le ministre du Budget et des Comptes publics, Charles Mba, continue de faire couler encre et salive. Face à l’absence de motivations officielles de cette suspension et des commentaires qui vont bon train sur les réseaux sociaux, l’universitaire gabonais Eugène Junior Bekale tient à clarifier le principe de suspension dans une administration publique au Gabon. Lecture.
La suspension de fonctions consiste à éloigner temporairement du service un agent public ayant commis des actes pouvant constituer une faute disciplinaire et perturber le fonctionnement du service. Ce n’est pas une sanction disciplinaire (c’est une mesure d’éloignement prise dans l’intérêt du service public et/ou dans l’intérêt de l’agent lui-même dans l’attente du règlement de sa situation). Elle ne détermine pas à l’avance la décision de l’administration de sanctionner ou non, ni, en cas de sanction, le choix de la sanction disciplinaire.
Ce que dit la loi
Conformément à l’Article 131 du statut général des fonctionnaires (loi n°8/91 du 26 septembre 1991), en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, et s’il est estimé que le maintien en service de l’intéressé est inopportun ou peut provoquer des perturbations, celui-ci, en attendant sa comparution devant un conseil de discipline, peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par décision du ministre responsable, du gouverneur de province ou du chef de mission diplomatique ou consulaire.
Pas une mesure disciplinaire
Durant la suspension, le fonctionnaire perd son droit au traitement à l’exclusion des prestations familiales. La situation du fonctionnaire suspendu, doit faire l’objet d’une décision dans un délai de quatre mois à compter du jour de la prise d’effet de la suspension. À l’expiration de ce délai, le fonctionnaire est rétabli dans son droit au traitement. Ce fonctionnaire à l’obligation de reprendre son service et l’administration est tenue de le recevoir.
C’est dire que la suspension de fonctions n’est pas une mesure disciplinaire, elle n’est en conséquence pas soumise à une procédure particulière (la communication du dossier individuel n’est pas un préalable obligatoire à la décision de suspension, la consultation du conseil de discipline n’est pas nécessaire). Le ministre ou son représentant décide seul de la suspension de fonctions en cas de faute jugée grave de l’agent en cause. La suspension est une mesure d’urgence. Ainsi, l’ensemble des droits du concerné sont écartés.
Au sujet des sanctions disciplinaires
Cependant, la sanction de l’agent suspendu doit lui être porté dans un délai de quatre mois suite à la saisine du Conseil de discipline. A défaut de procédure disciplinaire, il est rétabli dans ses fonctions. Notons que la décision de suspension n’a pas à être motivé mais le caractère de la faute doit revêtir une gravité telle que la continuité de l’Agent au sein du service pourrait être de nature à perturber le fonctionnement normal (condamnation judiciaire, rixe, mauvais comportement ou faute de gestion…).
Toutefois, l’article 91 du Statut général de la fonction publique (loi n°1/2005 du 4 février 2005) précise que les sanctions disciplinaires, y compris les mesures conservatoires (en l’occurrence la suspension) prononcées contre un agent sans que la saisine du conseil de discipline ait été nécessaire, sont susceptibles de recours devant ledit conseil. C’est dire que l’agent peut contester la décision de suspension, soit par un recours administratif (Premier ministre) soit en saisissant le juge administratif d’un recours en contentieux en démontrant la nécessité de saisir le conseil avant la suspension.
Eugène Junior Békalé
Universitaire gabonais