Le 4 juin 2025, le Gabon a officiellement décidé de mettre fin à l’exportation brute de ses matières premières, notamment le manganèse, le fer, le lithium, le cobalt et l’or. Le président a réaffirmé cette orientation à Washington, la présentant comme un pilier d’une nouvelle souveraineté économique. L’objectif affiché : transformer localement, créer de l’emploi et générer une valeur ajoutée capable de satisfaire une demande énergétique de 9 GW.
Mais derrière ce virage stratégique se cache une série d’incertitudes. Transformer localement nécessite des investissements colossaux dans les infrastructures, les capacités techniques, la formation et l’énergie. À ce jour, le Gabon ne dispose pas d’un réseau énergétique assez dense pour supporter une telle ambition. L’Indonésie, qui a mis en place une interdiction d’exportation du nickel brut, a réussi à attirer des partenaires industriels comme Tsingshan en créant un cadre fiscal incitatif et une vision à long terme. Le Gabon ne semble pas avoir préparé un tel écosystème.
La promesse de 12 millions de tonnes de manganèse transformées localement reste également sujette à caution. Or, les industries de transformation exigent des chaînes logistiques stables, un coût de l’énergie compétitif, et une main-d’œuvre qualifiée. Pour l’instant, ces conditions ne sont pas réunies. En voulant imposer une politique industrielle sans en créer les prérequis, le pays risque de décourager les investisseurs ou de voir ses matières premières stockées sans débouchés, comme ce fut le cas au Zimbabwe après des interdictions similaires.
Sur le plan diplomatique, cette posture souverainiste peut séduire, mais elle peut également tendre les relations commerciales. Les partenaires habituels du Gabon risquent de chercher d’autres sources d’approvisionnement, ce qui affaiblirait la position du pays sur les marchés mondiaux. Dans un contexte global de compétition sur les minerais critiques, l’agilité et la prévisibilité réglementaire sont des atouts plus efficaces que le protectionnisme brutal.
La transformation locale n’aura d’impact que si elle s’accompagne d’une stratégie claire de montée en gamme. Cela suppose des politiques d’innovation, des incitations fiscales ciblées, une transparence accrue dans les chaînes d’approvisionnement, et une vision industrielle. Sans ce préalable, l’interdiction d’exportation brute pourrait n’être qu’un slogan politique difficile à mettre en œuvre.
Le Gabon affiche une volonté nouvelle de souveraineté économique. Mais cette ambition, pour être viable, doit s’appuyer sur des fondations industrielles solides, sur une gouvernance crédible et sur un alignement stratégique entre les réformes internes et les attentes des marchés. Faute de quoi, elle risque d’engendrer plus de désordre que de développement.








