Initialement prévu pour être payé le 12 novembre dernier, l’opération des rappels est en train de virer à une réalité cauchemardesque pour les agents publics. Hier Vendredi 22 novembre, des centaines de personnes attendaient pour le dépôt des dossiers, afin de bénéficier des calculs de leurs rappels soldes tandis que les longues files d’attente s’étendaient le long de la chaussée qui jouxte le ministère de l’Agriculture. Juste à quelques mètres de la Présidence de la République. Entre désarroi et colère, les fonctionnaires ont vécu cet épisode comme une grande désillusion.
Solde gabonaise entre laxisme et bureaucratisme exacerbée
Pour beaucoup de Gabonais, l’administration publique est le réceptacle des tracasseries outrancières qui frisent parfois des proportions indécentes de la gouvernance. L’incapacité pour les dirigeants à la rendre performante témoigne de façon significative, des méthodes abracadabrantesques qui ont pignon sur rue dans l’ensemble de l’administration centrale du pays. Les récentes mises en garde du Chef de l’État contre les agents de la Direction générale des Comptes publics n’y changeront rien à cette terne exubérance qui vient noircir le tableau encore plus prosaïque des choses.
LIRE AUSSI : Gabon : Oligui Nguema somme Charles M’ba d’arrêter les “pratiques nuisibles” du ministère du Budget
De fait, l’actualité sur le paiement des rappels soldes voulu par Oligui Nguema est un indicateur réel de ce qui parachève une désillusion parfaitement entretenue du peuple. Une telle opération qui concerne des centaines d’agents et gérée avec autant de légèreté renforce l’idée que cette administration n’est pas prête à suivre le rythme de la dynamique impulsée au sommet de l’État.
Des images relayées sur les réseaux sociaux et de l’aveux des fonctionnaires présents sur les lieux pour le dépôt de leurs dossiers, la Direction de la Solde déjoue les pronostics de l’efficacité. Debout dans la longue file d’attente, enveloppe “kaki” sur la tête pour se protéger d’un soleil au sommet de son arrogance, Georgette, fonctionnaire résignée, témoigne de cette réalité accablante : «je suis là depuis le matin. J’attends désespérément d’être reçu, les choses avancent à pas de tortues», expliquet-elle, le regard figé. Une autre à côté fulmine : «les choses du Gabon!».
Paiement des rappels : pilotage à vue ou sabotage ?
La rencontre entre le Chef de l’État et les représentants de la Fonction publique avait permis d’enregistrer quelques avancées sur le dossier de paiement des soldes. En effet, pour satisfaire aux revendications présentes des agents publics, Brice Clotaire Oligui Nguema avait fait la promesse de lever sur les 106 milliards de dettes, une enveloppe non moins conséquente de 35 milliards pour le début des opérations. La nouvelle se répandant comme une traînée de poudre dans le pays, avait enchanté les cœurs de tous les fonctionnaires gabonais et leurs familles.
Seulement voilà, les faits sont parfois dichotomiques des discours empreints de bonhomie. Depuis, cette mesure salutaire s’est muée en une désillusion absolue. Des informations reçues, certains agents publics ont reçu des montants jugés dérisoires quand d’autres eux, n’ont simplement rien eu. Cela dit, des interrogations subsistent. Où est passé Raymond Ndong Sima, Premier ministre de la Transition, qui avait réussi à lui seul la prouesse en 2013 ? Pourquoi se mure-t-il dans un silence depuis le début de cette opération ? Est-il en désaccord avec le modus operandi du Chef de l’État ?
Quoi qu’il en soit, le paiement des rappels tourne à l’épreuve pour le gouvernement de la Transition, qui lui-même n’est pas ménagé dans ce dossier. Même si étonnament pour Pierre Mintsa, président de la Machette syndicale des travailleurs gabonais vaillants (MSTGV), le paiement des rappels est une «réalité concrète».
Administration gabonaise à l’ère du numérique
Près de 1000 personnes dans la file d’attente pour le dépôt d’un dossier physique hier vendredi à la Solde, dans ce qui s’apparente à un dernier délai. Ce faisant, a-t-on réellement pris en compte les personnes fragilisées ou à mobilité réduite et celles à l’intérieur du pays ? Autant de questions auxquelles le gouvernement de Raymond Ndong Sima devrait répondre pour une justice sociale profitable à tous.
En vue d’efficacité, les pouvoirs publics devraient peut-être entrevoir la digitalisation comme vecteur d’efficacité de l’administration publique dans ce cas de figure. Car, pourquoi déplacer sous un soleil accablant des responsables de familles, dont certains sont accablés par la maladie ou le poids des soucis, pour une opération qui auraient été facilitée par le numérique ?