En ce 31 mai 2025, Journée mondiale sans tabac, le Gabon se retrouve face à une tension croissante entre impératifs de santé publique et enjeux économiques. Chaque année, environ 500 Gabonais meurent des conséquences directes du tabagisme, notamment à cause de cancers, de maladies cardiovasculaires ou d’affections respiratoires chroniques. Ces pertes humaines, largement évitables, suscitent l’inquiétude croissante des professionnels de santé, qui appellent à une action ferme de l’État pour contenir ce fléau silencieux.
Les solutions sont connues : durcissement de la fiscalité sur le tabac, interdiction totale de la publicité, limitation stricte des points de vente et campagnes massives de sensibilisation. Ces leviers, utilisés dans de nombreux pays, ont permis de réduire significativement la consommation de tabac. Par exemple, en Australie, l’introduction du paquet neutre en 2012, accompagnée d’une hausse constante des taxes, a conduit à une baisse historique du tabagisme, tombé sous la barre des 12 % chez les adultes. De même, en Afrique du Sud, une taxation agressive combinée à des interdictions publicitaires strictes a permis de réduire la consommation de tabac de près de 30 % en deux décennies.
Au Gabon, les acteurs du secteur médical, les ONG et une partie de la société civile plaident pour une adoption rapide de mesures similaires afin d’enrayer une dynamique qui continue de faire des victimes dans l’ombre.
Mais le combat contre le tabac ne se mène pas dans le vide. En 2024, le marché gabonais des produits du tabac a généré environ 53 millions de dollars américains, selon les estimations de Statista. Cette manne pèse lourd dans les comptes publics. Le gouvernement perçoit des recettes à travers une taxe ad valorem de 32 % sur les produits du tabac, à laquelle s’ajoute une taxe spécifique de 300 francs cfa par paquet de cigarettes produit ou importé. Ces dispositifs fiscaux constituent une ressource budgétaire stable et significative, surtout dans un contexte économique contraint.
Cette situation place les autorités devant un choix complexe. D’un côté, une action plus résolue contre le tabagisme permettrait de préserver des vies et de soulager le système de santé, déjà mis à rude épreuve. De l’autre, une politique trop restrictive risquerait d’assécher une source importante de revenus et de favoriser l’essor d’un marché noir difficile à contrôler, privant ainsi l’État de recettes fiscales et exposant les consommateurs à des produits non réglementés.
En cette Journée mondiale sans tabac, la contradiction entre santé publique et finances publiques devient particulièrement visible. Le Gabon doit trouver un équilibre entre la nécessité de protéger ses citoyens et celle de garantir ses ressources. Ce débat, loin d’être symbolique, engage des choix politiques concrets qui détermineront, à long terme, la trajectoire du pays face à un produit à la fois meurtrier et rentable.