La campagne présidentielle gabonaise d’avril 2025 s’est soldée il y a quelques semaines par l’investiture de Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, à l’issue du processus électoral qui lui a donné la victoire devenant ainsi le premier président de la V ème République. Après la prestation de serment du nouveau gouvernement, la passation de charges interministerielles et le réaménagement de l’effectif au sein du cabinet présidentiel – à l’issue du premier conseil des ministres de cette ère – place désormais à de nouveaux collaborateurs.

Une approche qui, aux dires de certaines indiscrétions proches de la présidence, s’inscrirait dans une « dynamique de renouvellement et de consolidation de l’équipe dirigeante ». Et pour laquelle il nous revient de tirer toute la rigueur des enseignements ayant pu résulter de cette intense activité médiatique, sous l’angle avisé du communiquant.
Pour rappel, c’est à l’occasion du lancement de cette campagne présidentielle, qu’un visuel du Rassemblement des Bâtisseurs (RDB) – plateforme associative et militante à qui avait été aussi confiée la gestion des fonds de campagne du candidat – annonçait une levée de fonds en guise de soutien à ce dernier à l’hôtel Radisson Blu de Libreville et en contrepartie de laquelle les donateurs étaientinvités à rencontrer le candidat selon la disposition relative à l’emplacement de leurs tables dans la salle. Mais, ce projet a été finalement abandonné après avoir essuyé une levée de boucliers par les internautes. Dans la même veine, Jean Rémy YAMA, alors président du Parti National pour le Travail et le Progrès (PNTP), lançait le financement de sa campagne sur Internet pour mobiliser les donateurs.

Mais, cette tentative est accueillie avec une satisfaction mitigée relativement à la faible analyse de l’offre politique. Alors, stratégie de communication impréparée ou gestion imprudente du marketing politique en l’absence d’une recherche susceptible de documenter les composantes d’une intervention de relations publiques ?
La sociologie politique gabonaise n’intègre que très peu le financement participatif des formations politiques dans leurs modalités de fonctionnement. L’histoire montre en effet que les processus de financement de la vie politique et électorale reposent d’abord sur la dotation en resssources financières (individuelles ou publiques) et sur la fabrication et la diffusion d’objets publicitaires de campagne intégralement à la solde de l’aspirant pour espérer des populations qu’il obtienne, en retour, leur adhésion consécutive. « Echanger pour accéder au pouvoir ou pour le conserver est ainsi devenu une mode, donnant naissance à une approche échangiste, voire clientéliste du comportement politique (Tsana Nguegang, 2019)».

L’un des rares moments d’observation de ces mutations en l’état reste assurément la période de campagne électorale. A l’inverse, le marketing politique dérive de la communication politique. Il repose sur des techniques traditionnelles commerciales et marketing visant à promouvoir un projet, un candidat ou une cause politique. Il s’est largement développé en Europe et aux Etats-Unis particulièrement en raison d’une forte tradition rhétorique caractérisée par le règne des études d’opinion (Wolton, 2008), le développement des mass media et le suffrage universel tributaire des présidentielles, entre autres. Ainsi que par la montée des lobbies et l’harmonisation du cadre législatif qui encadre la collecte de fonds et permet aux élécteurs de financer la vie politique et électorale du label ou de procéder à une donation en ligne parallèlement à l’évolution des campagnes Internet.

Il faut néanmoins relever, pour le constater, que ces campagnes de levée de fonds et de donations en ligne respectivement commanditées par le Rassemblement des Bâtisseurs (RDB) et le Parti National du Travail et du Progrès (PNTP) de Jean-Rémy YAMA apparaîssent davantage comme des actions de communication en distorsion avec nos réalités politiqueslocales : le mécanisme de « financement » de campagne retenu par nos candidats n’a fait l’objet d’aucune recherche susceptible de documenter les composantes d’une intervention du genre. En fait, c’est comme si vous demandiez à quelqu’un d’agir toujours de la même manière et que vous espériez attendre, malgré tout, des résultats différents. Ces problèmes, loin d’être corrigés, sont de nature à entretenir la confusion quant à la visibilité du rôle de pilotage des porteurs de l’action dans une intervention de relations publiques : ils doivent dépasser la posture du technicien pour privilégier celle du gestionnaire des communications. C’est ici qu’intervient la ligne de démarcation entre la vocation journalistique et « relationniste ». Le premier conçoit la communication comme une technique là oú le second l’appréhende et l’envisage d’abord comme une relation à établir avec des publics dans la perspective d’approfondir le discours stratégique et de clarifier le sens de son action pour en accroître la force opérationnelle (Libaert, 2008 : 64).
Il faut cependant remettre les choses en contexte en rappelant – à la lumière d’une analyse comparée des usages politiques – que la levée de fonds est d’abord une technique commerciale et marketing instaurée à juste titre par les deux candidats pour financer leurs activités politiques pendant la période électorale. Sachant que les investissements attendus proviennent majoritairement des « business angels » : ils permettent de générer des ressources relativement importantes, en termes de finances, de carnets d’adresse et de conseils nécessaires au succès de l’offre politique. A ce savoir pratique du « relationniste », s’ajoute donc un autre d’ordre méthodologique et managérial ancré en revanche sur la rigueur et la créativité du modèle RACE. Les quatre composantes de cet acronyme désignant tour à tour la Recherche, l’Action, la Communication et l’Evaluation. Nous n’en documenterons que la première étape pour montrer dans quelle mesure la gestion imprudente d’une technique de marketing politique peut fragiliser l’objectif de communication, en l’absence d’une recherche susceptible de documenter les composantes d’une intervention de relations publiques ?
Recommandation
De ce cas d’école, retenons que les deux candidats ont arreté la stratégie de financement de leurs activités électorales autour d’une levée de fonds en ligne et à l’initiative des donateurs. A la différence des campagnes de donation traditionnelles qui reposent sur le développement des medias de masse et le suffrage universel, les donations en ligne doivent leur essor au développement de l’Internet et au principe de souveraineté consacré par les sondages. Le choix de la « Recherche » première étape du modèle RACE s’impose d’entrée de jeu comme une étape de référence.
Elle documente les composantes d’une intervention de relations publiques ;
Elle permet à ces différents interlocuteurs de se procurer une meilleure connaissance des opinions des publics et des enjeux sociaux entourant le sujet par l’entremise de leurs communicants ;
Elle évalue l’efficacité des outils de communication politique à partir des problèmes qu’elle corrige ;
Sachez, à cet effet, qu’un message qui n’entre pas en résonance avec une identité encourt le risque d’etre rejeté (Libaert, 2008 : 136). D’ailleurs, une telle « Recherche » aurait permis d’identifier très tôt les motifs de rejet de cette action de communication par les internautes. Et de l’anticiper relativement à la vertu prédictive de la communication par les relations publiques. Le cas d’espèce de ces visuels indique en effet que le rejet provient de l’ambiguïté sous-tendue par l’absence d’un objectif de communication et d’un positionnement stratégique faiblement établi en interne :
✔️ Le premier visuel tributaire du Rassemblement Des Bâtisseurs (RDB) est un message de communication en contradiction avec la croyance sociopolitique gabonaise : le président de la République est d’abord celui qui tient tous les léviers du pouvoir entre les mains et dont on suppose également que le financement des activités politiques – en temps de campagne électorale – provienne des caisses de l’Etat.
✔️ Le deuxième visuel, proche du Parti National pour le Travail et le Progrès (PNTP), est une pillule encore moins digeste. Internet étant le principal outil de vulgarisation des levées de fonds, il permet de rejoindre les donateurs des réseaux sociaux dont les contributions manquent à l’appel lors de campagnes traditionnelles. Or, après un examen minitieux visant à identifier la page officielle de ce parti, il s’est trouvé qu’elle n’existe nulle part. La seule référence faite au fondateur proviendrait d’un compte social personnellement établi à son nom. Et qui restreint fondamentalement l’incapacité du communicant à déterminer les cibles potentielles de cette action non sans écorner au passage la portée de son impact. Pour pertinente et indispensable qu’elle soit, la « Recherche » constitue une étape essentielle, bien que trop souvent escamotée dans le désir de passer rapidement à l’action. Il revient donc aux communicants d’en mesurer la teneur pour encadrer les activités de relations publiques dans tous les types de contexte et, particulièrement, dans l’utilisation intelligente des campagnes de marketing politique.
Stéphane Franck N. MENDOME
Gérant de l’Agence RP COM
Consultant en Stratégies de Communication Globale