Le retour tant attendu d’une compagnie aérienne nationale au Gabon avec Fly Gabon, après 18 ans d’absence, a rapidement pris la tournure d’un feuilleton judiciaire inattendu. À peine quelques jours après le vol inaugural, l’entreprise est confrontée à une plainte qui menace de compromettre son décollage symbolique. Bruce Augoula et Mohamed Diarra Magniki, deux entrepreneurs gabonais, revendiquent la propriété de la marque « FlyGabon », affirmant l’avoir enregistrée dès 2013, bien que leur compagnie ne dispose d’aucun avion ni du certificat de transporteur aérien (CTA), élément indispensable aux opérations aériennes commerciales.
Cette action judiciaire surprenante, déposée début septembre auprès du tribunal de Libreville, découle de négociations échouées avec l’État gabonais, rapporte nos confrères d’Afrique Intelligence. Les plaignants auraient proposé de céder la marque pour plus d’un milliard de francs fcfa (environ 1,5 million d’euros), une offre apparemment rejetée par les nouvelles autorités. Leur plainte vise ainsi une « injonction permanente de cessation des nuisances », ou à défaut, une astreinte de 150 millions de francs cfa par jour.
L’Etat a-t-il mis la charrue avant les bœuf ?
Mais comment une telle confusion autour de la marque a-t-elle pu survenir ? Selon certaines sources gouvernementales, il s’agirait davantage d’une tentative délibérée de freiner le projet plutôt que d’une véritable question de droit. Un haut cadre du ministère des Transports qui se serait confié à Direct Infos, bien informé du dossier, aurait déclaré : « Fly Gabon est une marque déposée, pas la leur. Ils n’ont jamais été compagnie aérienne. Ils n’ont jamais obtenu de CTA. Leur site web est flygabonsa pas flygabon.com ou FlyGabon.online que nous avons acheté sur le marché. Et en plus, ils ne sont même pas à jour de leurs obligations à l’ANPI ».
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Cette déclaration met en lumière l’absence apparente de préparation et de régularisation de la part des plaignants. Mais elle questionne aussi indirectement la rigueur de l’État gabonais à s’assurer de la disponibilité légale d’un nom de marque avant de l’adopter pour une initiative de cette ampleur. Cette vérification élémentaire a-t-elle été faite auprès de l’Office gabonais de la propriété industrielle (Ogapi) ? Notre rédaction a tenté de joindre l’Ogapi, en vain.
Vers une résolution légale ?
Au-delà du tumulte juridique, c’est la dimension patriotique de cette affaire qui alimente les débats. Selon cette même source du ministère des Transports : « Plutôt que de torpiller l’action salvatrice du CTRI (ndlr : Comité pour la transition et la restauration des institutions) et de permettre aux milliers de Gabonais de disposer d’un nouvel outil de souveraineté, nos 2 compatriotes devraient apporter leur expérience au service du fleuron national. Réclamer des centaines de millions de francs à une compagnie qui n’effectue que ces premiers pas est vraiment antipatriotique à mon humble avis. »
Dans ce contexte tumultueux, l’avenir de Fly Gabon reste incertain. La compagnie pourra-t-elle surmonter ce défi de taille et émerger victorieuse de ce périlleux décollage ? La situation souligne l’urgence et la nécessité d’une résolution légale pour permettre au Gabon de renouer enfin avec son rêve aérien national, sous une marque reconnue et incontestée. Cette affaire rappelle avant tout l’importance des précautions juridiques rigoureuses dans tout projet majeur, nuageant temporairement un ciel pourtant porteur d’espoir pour l’aviation gabonaise.