Dans son cadrage macroéconomique 2026-2028, le gouvernement gabonais parie sur une relance portée par le secteur privé, sans jamais poser la question centrale de la confiance des opérateurs économiques. Aucun passage du document ne traite du climat des affaires, de l’indépendance de la justice économique, des délais de paiement aux fournisseurs, ni même de la prévisibilité de la fiscalité. Pourtant, dans un pays où les entreprises locales dénoncent régulièrement l’arbitraire administratif, la faiblesse des garanties contractuelles, et des pratiques de corruption endémiques, prétendre que la croissance viendra du privé est anecdotique.
À fin mars 2025, les données monétaires montrent une chute des crédits à l’économie de 8,4%, passant de 2058,5 milliards à 1 884,9 milliards de fcfa. Ce recul massif est le reflet d’une crise de confiance, accentuée par des incertitudes politiques et une faible visibilité sur les réformes économiques. Les banques réduisent leurs lignes de crédit aux entreprises, freinant ainsi les projets d’investissement productif. Parallèlement, les avoirs extérieurs nets ont plongé de 506,2 à 204 milliards de fcfa, illustrant un assèchement des flux financiers internationaux. Les investisseurs étrangers ne se ruent plus vers Libreville, et ceux qui y sont déjà opèrent en mode défensif.
Dans ce contexte, le discours gouvernemental sur la « transformation économique » via les secteurs miniers, agricoles ou logistiques paraît déconnecté. Aucun investisseur ne se lance dans une filière de transformation industrielle sans une stabilité institutionnelle minimale, une administration efficace, et une justice commerciale crédible. Or, le cadrage macroéconomique 2026-2028 n’aborde à aucun moment ces prérequis. Il projette des hausses d’investissements et de recettes fiscales comme si la confiance était acquise. Ce silence traduit un aveuglement inquiétant, voire un refus d’affronter les blocages structurels qui paralysent l’économie réelle.
L’environnement fiscal reste quant à lui instable. En dépit des annonces, les entreprises sont régulièrement confrontées à des redressements imprévisibles, à des délais de remboursement de TVA excessifs, et à des contrôles fiscaux jugés arbitraires. Dans ces conditions, le taux de pression fiscale projeté à 17,9% du PIB à l’horizon 2028 semble hors d’atteinte. Il était de 14,7% en 2025, et rien dans le document n’explique comment le gouvernement compte élargir l’assiette sans provoquer l’exode ou l’asphyxie du peu d’entreprises formelles encore en activité.
L’absence d’un chapitre consacré au climat des affaires dans un document censé guider la planification budgétaire jusqu’en 2028 est révélateur d’une culture publique encore centrée sur l’État dépensier, centralisateur, et peu sensible aux signaux envoyés par le tissu économique local. À trop vouloir planifier sans écouter, le risque est grand de fabriquer une croissance fictive, coupée du terrain, et surtout insoutenable. Dans une économie moderne, la croissance durable ne se décrète pas : elle se construit sur la confiance. Et celle-ci, aujourd’hui, est en ruine.