Le Gabon vient peut-être de tourner l’une des pages les plus marquantes de son histoire électorale. À la faveur de la présidentielle du 12 avril 2025, les Gabonais ont participé à un scrutin qui, sans être parfait, s’est distingué par plusieurs éléments inédits, laissant entrevoir une volonté de rupture avec les pratiques du passé. Taux de participation exceptionnel, climat apaisé, absence de restrictions sécuritaires, résultats provisoires annoncés en temps record : tout semble indiquer qu’un nouveau chapitre s’écrit, plus transparent, plus serein, et surtout, plus respectueux du choix des citoyens. Dans un contexte de transition politique, le pays a démontré qu’il était capable d’organiser une élection d’envergure, dans des conditions qui rappellent à bien des égards ce que beaucoup de Gabonais réclamaient depuis des décennies.
Premier signal fort : le taux de participation. À 18h30, le ministère de l’Intérieur annonçait 87,21 % de votants, soit près de 805 000 électeurs sur un corps électoral d’environ 920 000 personnes. Un chiffre spectaculaire qui témoigne d’un sursaut civique rarement observé dans le pays, soutenu par une campagne de mobilisation efficace et des conditions matérielles de vote globalement bien tenues, tant dans les centres urbains que dans les zones rurales. Et ce, malgré un démarrage lent en première moitié de la journée.
Autre marqueur de cette élection singulière : la sérénité. À la surprise de nombreux observateurs, le scrutin s’est déroulé dans un calme presque déroutant. Aucun couvre-feu n’a été décrété, les réseaux sociaux sont restés accessibles tout au long de la journée, et les files d’attente se sont formées dans une atmosphère de discipline et d’engagement. Pour la première fois depuis longtemps, les Gabonais ont pu voter sans craindre ni heurts, ni interruptions, ni coupures d’Internet. Autant d’éléments qui, par le passé, accompagnaient systématiquement les périodes électorales.
Fait encore plus remarquable : les résultats provisoires seront annoncés dès ce dimanche 13 avril, à 13h30, soit à peine 24 heures après la fermeture des bureaux de vote. Une première rendue possible par la mise en œuvre des nouvelles dispositions du Code électoral révisé, notamment l’affichage immédiat des procès-verbaux devant chaque bureau. Cette transparence nouvelle, saluée par la société civile, renforce le crédit accordé au processus par une population longtemps sceptique.
La présence, également, d’observateurs internationaux absents lors de certains scrutins précédents, notamment celui de 2023, a renforcé la légitimité de l’exercice. Ces derniers ont pu suivre les opérations dans des conditions jugées satisfaisantes, preuve que les autorités ont souhaité jouer la carte de l’ouverture. D’aucuns pourraient y voir le fruit d’un encadrement particulièrement rigoureux de l’organisation électorale. Car si les visages à la tête des institutions ont changé, la main ferme qui veille au bon déroulement de cette transition semble avoir voulu rassurer autant qu’imposer le respect des règles.
Ce 12 avril 2025 restera sans doute comme le symbole d’un moment de bascule. Celui d’un peuple qui a voté massivement, dans le calme, et avec l’espoir tangible d’un avenir politique plus transparent. Mais cette journée pourrait aussi marquer un précédent dans la mémoire collective gabonaise : celui d’un scrutin où la volonté populaire s’est exprimée sans entraves visibles, où la participation est devenue un acte revendicatif, presque fondateur, et où la démocratie a semblé reprendre ses droits. La suite dépendra de la gestion des résultats, du respect du verdict des urnes et de la capacité des institutions à incarner enfin la volonté du peuple. Mais ce samedi-là, le Gabon a donné un signal fort, et peut-être, amorcé un véritable tournant.