Je voudrais d’abord dire combien j’ai été honoré de faire partie de la constituante et de me plier à l’examen au fond de l’avant-projet de constitution. Si au début j’ai eu quelques appréhensions et doutes parce qu’en politique dans notre pays, on est souvent conduit par ses propres intérêts ou ceux de son bord politique, au fur et à mesure des discussions, il s’est dégagé une combativité intellectuelle des collègues due au fait que chacun voulait orienter les débats et la rédaction des articles de cet avant-projet de constitution. 

Je voudrais d’abord dire que les auditions des spécialistes du droit et autres personnalités qui ont précédé l’examen au fond du texte, n’ont pas été une partie facile surtout avec le Comité constitutionnel national. Les questions des députés et sénateurs sur les motivations qui ont conduit à la rédaction actuelle de cet avant-projet de constitution ont été interrogées parfois de façon véhémente. 

L’examen au fond du texte qui a été précédé de l’adoption d’un règlement intérieur de la Constituante, a, à mon sens, révélé que les membres de la Constituante n’avaient pas tous la même appréciation des articles. Chacun a pu exposer ses arguments pour soutenir les amendements qu’ils avaient préalablement déposés auprès du Bureau de la Constituante. 

Selon ce Bureau présidé par l’honorable Jean François Ndongou, il y a eu au total 801 amendements déposés et ce qui pourrait représenter près de 4000 minutes de travail soit au moins trois jours de travail sans discontinuité, jour et nuit. C’est un exercice extrêmement délicat d’autant plus que certains articles ont occupé des heures de discussion au regard de leur importance et des conséquences sur le plus grand nombre. En même temps, nous étions tenus par les délais fixés par le décret numéro 0358/PT/PR/MRI qui stipule que le travail de la constituante doit être rendu au gouvernement sous 10 jours. 

Dans les discussions, je dois reconnaître l’intelligence et l’amour pour le pays qui se sont dégagés tout au long des travaux de la constituante. Il y a un débat fourni et démocratique qui a prévalu à tous les niveaux et je dois dire que j’ai été agréablement surpris par les arguments des uns et des autres qui rivalisaient de pertinence.

Sur l’article 53 par exemple, qui arrête les conditions d’éligibilité à présidence de la République, le débat a été parfois très houleux et tendu, autant que sur la question du Conseil Supérieur de la Magistrature ou plusieurs thèses se sont affrontées violemment: Nous étions tous conduits par la volonté de bien faire dans l’intérêt du peuple gabonais. La diversité dans les parcours des parlementaires a été l’atout majeur des débats. Chacun avait à redire en fonction de ses propres convictions et même des combats de l’histoire de notre pays le Gabon. 

Je vous passe les détails mais ce fut à mon sens ce que je peux qualifier d’affrontement argumentatif extrêmement fort. Et bien sûr que quand la constituante est ainsi divisée et irréconciliable, c’est le règlement qui prime, c’est à dire qu’on devait donc voter à main levée pour qu’une majorité se dégage pour amender ou maintenir l’article.

Je voudrais à ce stade de mon récit rendre hommage au président de la Constituante pour sa capacité à conduire les débats, à faire prévaloir la démocratie et aussi faire respecter l’ordre au sein de l’hémicycle. Les empoignades verbales entre membres de la constituante ou certains accrochages avec les membres du Bureau auraient pu être plus dramatiques si le président de la Constituante n’avait pas revêtu le costume de l’autorité et répéter en permanence la mission respectable qui nous était confiée. 

L’ambiance pouvait être détendue dès l’entame des travaux mais pouvait se dégrader aussi sur les questions qui fâchent. J’ai vu beaucoup d’émotions dans les propos de certains collègues et même dans les miens. On est jamais très loin de son histoire personnelle quand on examine un texte de loi d’une telle importance. La volonté de protéger le pays, de garantir les droits fondamentaux à tous et d’établir un équilibre au niveau des pouvoirs, a parfois conduit à des débats très animés, des accusations et des suspicions. J’ai été impressionné par la capacité qu’avait chacun de nous à défendre ses positions en s’appuyant sur des textes de loi et en convoquant le droit. 

Je me souviens qu’on sortait parfois à minuit et nous mangions très tard. Les tasses de café et de thé étaient aussi notre quotidien pendant 10 jours. Au final, je pense que chacun avait pour préoccupation de rendre la meilleure copie possible pour notre pays. En dépit du fait que le décret 358 stipule bien que la constituante rend un avis motivé, tous les parlementaires ont pris leur travail au sérieux et restaient des heures à discuter des articles. À la sortie de chaque intense journée, il n’y avait aucune animosité même pour ceux dont les points de vue avaient été mis en minorité, il faut respecter la dictature de la majorité. Ça fait mal mais c’est la démocratie. Moi-même j’en ai fait les frais. 

Avant que l’on ne dise de nous ce que nous ne sommes pas, tout en remerciant le Président de la Transition, Président de la République, Chef de l’État pour avoir décrété cette constituante, j’aimerais dire à mes compatriotes que j’ai vu des hommes et des femmes qui aiment leur pays, chacun chargé de son histoire. Au-delà de l’interprétation qui pourrait être faite de notre travail avec le temps, je puis vous dire que cette constituante a été un combat pour la restauration du Gabon, je tiens à féliciter tous les membres de la Constituante qui je l’espère vont endosser collectivement le travail jusqu’au moment du référendum. Il appartient désormais au Président de la République et au gouvernement de prendre en compte, dans la mesure du possible, notre avis motivé. 

Hon. Dioumy Moubassango

Député de la Transition