Depuis le coup d’État du 30 août 2023 au Gabon, orchestré par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), le paysage politique du pays a subi des bouleversements significatifs. La transition vers un nouveau chapitre démocratique a été marquée par des repositionnements inattendus sur l’échiquier politique, notamment celui d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, qui, ironie du sort, expérimente désormais le rôle d’opposant.
Pendant des années, Bilie-By-Nze, plusieurs fois ministre d’Etat et Premier ministre sous le règne sans partage d’Ali Bongo Ondimba, a été une figure influente au sein du régime que la soustraction militaire a momentanément mis en suspens depuis le coup d’État. Sa transition forcée dans les rangs de l’opposition constitue un retournement de situation révélateur : l’équité démocratique qu’il réclame aujourd’hui apparaît comme un écho à la politique répressive passée sous le régime d’Ali Bongo Ondimba. Celle-ci avait réduit au silence de nombreuses voix dissidentes, consolidant ainsi un espace politique non compétitif et tendu.
Bilie-By-Nze, le néo-opposant
Qui l’aurait cru ? « Billy The Kid » est désormais membre de l’opposition au pouvoir en place dirigé par les militaires regroupés au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Un nouveau statut que le député de Tang Louli expérimente comme un bleu dans son nouvel environnement. Le passage de Bilie-By-Nze à l’opposition pose la question de la sincérité et du pragmatisme en politique. Que signifie être un opposant authentique dans un contexte où les règles du jeu démocratique ont souvent été manipulées au profit de quelques-uns ? Cet ancien ministre, désormais privé des ressources et appuis d’État, découvre les défis inhérents à sa nouvelle position : l’épuisement des fonds, l’absence de couverture médiatique bienveillante, et surtout, l’indifférence du pouvoir en place. Pourtant, celui qui était encore tout puissant la veille du 30 août 2023, n’était pas homme à partager le pouvoir ni à agir en faveur de l’équité démocratique qu’il appelle désormais de ses vœux.
Un passé de censeur
L’histoire se souvient que le 24 août 2016, alors que le leader de la Coalition pour la nouvelle République (CNR), Jean Ping, demandait un débat télévisé avec le président sortant Bongo Ondimba Ali (BOA), Alain-Claude Bilie-By-Nze, alors ministre de la Communication et porte-parole du candidat BOA, avait accusé une fin de non recevoir. « La demande d’un débat contradictoire n’est pas prévue par les lois de la République », avait osé répondre celui qui semble être frappé d’amnésie aujourd’hui.
Mais cela ne suffisait pas. Dans un art qu’il pense avoir dompté, Bilie-By-Nze avait tenté de manipuler l’opinion nationale en faisant croire que Jean Ping refusait de débattre dans une émission animée par plusieurs journalistes ayant montré leur allégeance au pouvoir en place. Il est allé jusqu’à accuser Jean Ping de mépriser les institutions de la République. « Nous dénonçons le mépris que M. Ping affiche à l’égard des institutions de la République, des journalistes et du peuple gabonais», avait réagi dans un communiqué Bilie-By-Nze. « M. Ping a craint de devoir répondre aux questions embarrassantes concernant les nouvelles révélations l’impliquant lui et les membres de sa famille », appuyait Bilie-By-Nze, sûr de son coup et ne craignant pas le moindre rappel à “l’équité démocratique” de la part de ceux qui l’envoyaient faire le sale boulot.
Bâtir un Gabon où chaque voix compte
Ce parcours impose une introspection collective : la démocratie ne doit pas être instrumentalisée selon les opportunités du moment. Suivez mon regard. Pour Alain-Claude Bilie-By-Nze et ceux qu’il représente, ceci est un appel à construire une démocratie véritablement pluraliste, où l’opposition n’est pas juste un rôle conjoncturel mais une composante essentielle du fonctionnement politique.
En fin de compte, l’évolution politique de Bilie-By-Nze pourrait servir de leçon à l’élite gabonaise actuelle : la tolérance et l’inclusivité renforcent le tissu démocratique. Et être opposant n’est pas réservé qu’aux autres, car la roue finit par tourner pour tout le monde. Et, comme le rappelle à juste titre le proverbe africain : « Que celui qui n’a pas traversé ne se moque pas de celui qui s’est noyé« . Le défi, en cette période de transition et référendaire, est désormais de bâtir un Gabon où chaque voix, qu’elle soit pro-gouvernementale ou contestataire, ait sa place. Un Gabon où ceux qui crient à l’injustice aujourd’hui n’abandonnent pas leurs principes demain. Soyez patriotes et demeurez intègres !