Avec un contrat de performance signé entre la SEEG et SUEZ pour 131,2 milliards de fcfa, les autorités gabonaises annoncent un tournant dans la gestion de l’eau potable. Mais derrière les promesses de transformation, plusieurs signaux faibles rappellent à quel point les fondamentaux restent précaires. L’accès à l’eau, pourtant essentiel, continue de dépendre d’accords bilatéraux et d’expertises étrangères, sans stratégie de souveraineté clairement définie.
Une belle promesse
Ce contrat prévoit un volet de 39,4 milliards fcfa exclusivement dédié à l’implication des PME locales dans les travaux d’installation. Une belle promesse sur le papier. Mais dans un pays où les marchés publics sont encore largement attribués sans appel d’offres compétitifs, et où la sous-traitance est mal régulée, comment s’assurer que cette manne bénéficiera réellement aux entreprises locales, et non à une poignée d’intermédiaires proches du pouvoir ?
Un transfert de compétences
Autre point sensible : la transformation promise repose sur un transfert de compétences piloté par SUEZ. Or, depuis des années, la formation au sein de la SEEG est sous-financée et sans cadre institutionnel stable. Le « Centre des Métiers » de la SEEG, censé devenir un pilier de la réforme, reste embryonnaire. Le risque est donc grand que l’opération soit cannibalisée par des consultants extérieurs sans ancrage durable dans l’écosystème local.
Quid de la restructuration de la dette ?
Sur le plan financier, la modernisation de la facturation est présentée comme un levier majeur de rentabilité pour la SEEG. Mais en réalité, l’enjeu central est ailleurs : sans restructuration de la dette de la SEEG, sans assainissement de sa gouvernance, et sans audit indépendant, les marges générées risquent de se perdre dans les mêmes circuits opaques qui plombent l’entreprise depuis des décennies.
Le contrat SEEG-SUEZ illustre bien une méthode devenue classique : injecter massivement des fonds dans des infrastructures techniques sans résoudre les problèmes de pilotage, de transparence et de suivi. Si les retombées ne sont pas rigoureusement encadrées, ce projet risque de rejoindre la longue liste des promesses coûteuses qui n’ont jamais tenu leurs engagements sur le terrain.