Dans une analyse exclusive reçue par la rédaction d’Inside News241, sur le débat relatif à la durée du mandat du président de la République fixée à 7 ans dans le nouveau projet constitutionnel, l’universitaire Bekale Eugène Junior propose une offre qui pourrait mettre d’accord les partisans du mandat à 7 ans et leurs détracteurs. Une proposition qui s’inspire du modèle de l’ancienne constitution sénégalaise. Lecture.
Hors transition, dans les échanges quotidiens, les Gabonais ont le sentiment que le Président de la République est au-dessus de tout dans l’État. Or, il n’en est rien car c’est un citoyen qui a reçu un mandat de ses concitoyens. Par conséquent, en tant que citoyen il est soumis à l’autorité des lois dont la Constitution qui est la norme fondamentale.
En effet, la Constitution est la norme la plus élevée de l’ordre juridique d’un pays. Son but est de définir les institutions du pays (Président de la République, Gouvernement, Parlement, Justice, etc.) et régir les rapports entre elles, afin d’en assurer une sécurité et stabilité dans leur fonctionnement. Elle va par exemple fixer les pouvoirs du Président de la République, son mode de désignation, ses missions, celles du parlement. Elle établira ou non la séparation des pouvoirs tout en rappelant son attachement aux grands principes tels les droits de l’Homme. C’est un garde-fou contre les initiatives individuelles.
Bien qu’elle soit un garde-fou, il est possible de la modifier. Mais cela ne se fait pas de n’importe quelle manière. Le processus doit être complexe et il a été complexifié par les propositions des Gabonais et les membres du comité constitutionnel à l’issue du Dialogue National Inclusif tenu en avril dernier à Angondjé. La Constitution aborde également les régimes présidentiel ou parlementaire qui ne sont pas des systèmes figés mais des systèmes vers lesquels il faut tendre ou s’en inspirer. Le premier (régime présidentiel), qui a été choisi dans notre projet constitutionnel, est un mode d’organisation politique dont le fondement est la séparation des pouvoirs de l’État. Elle permet d’éviter une concentration des pouvoirs entre les mains d’un individu. On y retrouve le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Dans ce régime, le pouvoir exécutif appartient au Président de la République, le législatif aux parlementaires par le vote des lois et le contrôle du Gouvernement et le judiciaire à la justice (faire respecter les lois et juger). Dans ce régime, le citoyen vote pour le choix du Chef de l’État et des députés.
Quant au régime parlementaire, c’est celui dans lequel le Gouvernement et le parlement collaborent pour voter la loi.
Mandat présidentiel à 7 ans ou 5 ans ?
Ceci dit, venons-en au mandat présidentiel qui est une charge confiée de manière TEMPORAIRE par des électeurs à une personne, afin qu’elle agisse par délégation en leur nom. C’est à ce niveau que faire de la limitation de la représentation du Chef de l’État à un certain nombre d’années est signe d’une capacité à se moderniser, à s’arrimer aux normes des États démocratiques et à s’assurer d’une stabilité et une rotation politique.
Il se trouve que dans le Projet constitutionnel du Gabon, le Président de la République est élu pour une durée de sept (7) ans renouvelables une fois (article 52). Donnant la possibilité au président élu d’être au sommet du pays pendant 14 ans, si les citoyens lui accordent un second mandat. Or, pour certains acteurs de la société civile et de la sphère politique, le mandat devrait être fixé à cinq (5) ans renouvelables.
Tenant compte des avis de ceux qui soutiennent le septennat, ils arguent qu’il est difficile pour un Chef d’État de lancer et achever ses chantiers en 5 ans. Et de ceux qui soutiennent le quinquennat, ils précisent qu’il s’agit de rendre effectif un renouvellement plus fréquent à la tête de l’État et stabiliser la vie politique et institutionnelle.
En ce qui nous concerne, nous proposons au CTRI et au Gouvernement de s’inspirer de l’ancienne Constitution du Sénégal qui prévoyait une durée de 7 ans lors du premier mandat et 5 ans lors du second mandat. Ce qui portait la durée probable d’un Président de la République à 12 ans maximum, renouvellement compris à la tête du pays. Cette démarche peut être reproduite au Gabon.
Un recul démocratique ?
En outre, après lecture du projet de Constitution nous nous interrogeons sur des affirmations de certains hommes politiques qui disent faire face à un recul démocratique. Notre étonnement est important dans la mesure où les principes démocratiques prédisposent que les citoyens votent leur loi, que les élus rendent compte, que les libertés fondamentales sont protégées, les élections sont libres. Ces éléments sont contenus dans le projet.
Au demeurant, ce projet de texte rigide fixe des règles souhaitées par les Gabonais, notamment sur l’obtention du titre foncier (article 13), la définition de la famille (article 25), le renforcement des critères pour être Chef de l’État (article 53), etc.
Cependant, un bémol peut être apporté d’une part sur la dénomination du Chef du Gouvernement (vice-président en charge du gouvernement) que les rédacteurs auraient pu nommer Coordonnateur du Gouvernement dans le but de maintenir sacré l’appellation “Président”. Et d’autre part sur la possibilité offerte à une loi de fixer les avantages des anciens membres du CTRI. Ce dernier point nous pensons n’est pas opportun au moment ou le Gabon devra prouver au monde que l’application des règles démocratiques universelles ne souffrent d’aucun écart dans son territoire.
Eugène Junior Bekale
Juriste et universitaire gabonais