Le projet de centrale électrique flottante Karpowership, qui devait résoudre la crise énergétique récurrente du Gabon, se trouve au cœur d’un nouveau scandale qui pourrait secouer les plus hautes sphères du gouvernement. Le 22 novembre 2024, la Direction générale de l’Énergie (DGE) a annoncé la suspension du projet, citant « de nombreuses insuffisances » dans sa mise en œuvre, sans toutefois préciser la nature exacte de ces manquements. Cette décision fait suite à une réunion de haut niveau, présidée par Arnaud Engandji, Conseiller spécial du président de la République, et révèle une crise qui pourrait avoir des conséquences bien plus larges que prévu.
Le contrat controversé signé en juin 2024 entre la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) et la société turque Karpowership a immédiatement suscité des interrogations. Des sources proches du dossier ont révélé que les conditions du contrat étaient particulièrement défavorables au Gabon, notamment avec des frais d’immobilisation de 7 millions d’euros (environ 4,5 milliards de francs fcfa) que la SEEG devait payer au producteur turc. Un tel montant, jugé exorbitant par de nombreux experts, soulève des doutes sur la transparence de l’accord et sur l’intérêt réel qu’il servait. Le prix du kilowattheure, fixé dans des conditions jugées trop élevées, alimente également les critiques, au point de faire penser à un mauvais coup pour l’État gabonais.
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L’affaire prend un tour plus complexe à mesure que de nouvelles informations émergent sur les coulisses de ce contrat. Selon certaines sources, l’ex-directeur général de la SEEG, Joël Lehman Sandoungout, aurait délibérément laissé son adjoint, Guy Georges Ngamamba, signer l’accord en son nom, un geste qui laisse supposer des tentatives de dissimulation.
Luttes de pouvoir et conflits d’intérêts
La gestion du dossier par Pierre Duro, conseiller influent du président Brice Clotaire Oligui Nguema, suscite également de vives inquiétudes. Duro, décrit comme un homme clé de la transition, est accusé d’avoir orchestré l’attribution de ce contrat dans des circonstances pour le moins floues.
Cette affaire n’est que la pointe de l’iceberg d’une gouvernance marquée par des luttes de pouvoir et des conflits d’intérêts. Les critiques s’intensifient, avec des accusations de corruption qui frappent plusieurs acteurs de la SEEG et de l’administration gabonaise.
A qui profite cet accord ?
Le soutien apparemment inébranlable de la présidence envers Pierre Duro soulève des questions sur les véritables motivations derrière ce projet et la gestion des ressources énergétiques du pays. La SEEG, déjà en difficulté face à des coupures de courant fréquentes, pourrait bien se retrouver au centre d’un nouveau scandale de grande ampleur.
Alors que le pays peine à sortir de sa crise énergétique, ce scandale met en lumière les dysfonctionnements au sein des institutions gabonaises. Les autorités de transition ont lancé une enquête pour examiner la viabilité du projet Karpowership, mais les interrogations restent nombreuses : qui a vraiment profité de cet accord ? Quels sont les liens entre les différents acteurs impliqués ?
À l’heure actuelle, les réponses semblent aussi floues que les conditions dans lesquelles ce contrat a été signé, plongeant le Gabon dans une nouvelle crise de gouvernance dont l’issue reste incertaine.
La transparence est essentielle pour des projets d’une telle envergure. L’État aurait dû consulter les acteurs publics et privés de l’énergie, associer la DGMP et le CESE, créer une commission, et lancer un appel d’offres international. Cela aurait permis d’éviter que des individus aux intentions douteuses ne détournent les fonds publics à des fins personnelles. Heureusement, le projet est suspendu pour clarifier les zones d’ombre au sein de l’État.