A l’heure où nos institutions et ceux qui la gouvernent se doivent, plus qu’hier, de mettre la primauté sur l’effectivité du Droit dans la gestion des sociétés d’État, des établissements publics et des entreprises publiques, il est nécessaire pour la restauration des institutions de jeter un regard sur l’encadrement des émoluments octroyés aux dirigeants de ces entités. D’autant plus qu’on assiste de plus en plus à une course aux nominations à des fonctions les plus rémunératrices.
L’effectivité du plafonnement des rémunérations tel que prévu par les textes devrait permettre d’éviter des scandales tel que la gratification en milliards de FCFA à des agents publics pour l’accomplissement de la mission qui leur a été confiée où écarter des spéculations relatives à la gabegie de hauts responsables des structures étatiques. La stricte application de la limite salariale doit se faire dans un cadre collectif (Conseil d’administration).
Que dit la loi ?
C’est dans cette logique qu’il est nécessaire de recourir à ce que prévoit le décret n°199/PR/MBCP du 2 août 2018 portant modification de certaines dispositions du décret n° 0295/PR/MBCPFPRE du 30 juin 2010 fixant le plafonnement des rémunérations des présidents, des vice-présidents des conseils d’administration et des personnels des établissements publics, des entreprises publiques et des sociétés d’État.
LIRE AUSSI : Eugène Junior Bekale : “que dire sur la suspension d’un agent public au Gabon ?”
A ce niveau il faut retenir que la rémunération est composée du salaire, de la prime, des gratifications et des indemnités diverses. Dès lors, se référant au décret susmentionné qui fixe par exemple la rémunération des Directeurs Généraux des sociétés d’État, des établissements publics et des entreprises publiques, hors secteur pétrole, entre 2.550.000 et 4.250.000 FCFA par mois (soit 30.600.000 à 51.000.000 FCFA par an) déterminée en fonction des recettes générées par la structure. On est en droit de s’interroger sur ce qui est réellement perçu par les directeurs généraux de la SEEG, FLY GABON, OPRAG, CNSS, CNAMGS, ANPI, ANBG, ANPN, CDC par exemple.
Aussi, le même décret fixe la rémunération des directeurs généraux du secteur pétrole entre 3.000.000 et 5.000.000 FCFA par mois (soit 36.000.000 à 60.000.000 FCFA par an). Cette rétribution que l’on devrait retrouver à la GOC, à PETRO GABON, à SOGARA ou à GAB’OIL par exemple est-elle effective?
Contrôle des rémunérations des dirigeants
Le plafonnement des rémunérations, insistons, doit se fixer en tenant compte de la situation financière de la structure conformément à l’article 3 du décret n° 0295/PR/MBCPFPRE du 30 juin 2010 fixant le plafonnement des rémunérations des présidents, des vice-présidents des conseils d’administration et des personnels de direction des établissements publics, des entreprises publiques et des sociétés d’État.
En outre, un contrôle des rémunérations des dirigeants des structures étatiques devrait davantage s’opérer, afin que les textes ci-dessus les encadrants soient appliqués. A cet effet, dans l’exercice de sa mission de contrôle des comptes publics, la Cour des comptes doit davantage vérifier sur pièces, non seulement la régularité des recettes et des dépenses inscrites au sein des établissements publics, des sociétés d’État et des entreprises publiques, mais aussi la rémunération accordée par l’institution à ses dirigeants.
En d’autres termes elle doit s’assurer du bon emploi des crédits et des fonds gérés et générés par les services de l’État. Dispose-t-elle suffisamment de moyens pour le faire ? Y répondre pourrait revenir au débat sur la restauration des institutions.
A côté de la Cour des comptes, le gouvernement pourrait mettre en place au sein du Ministère en charge de l’Économie un service ou une équipe de Contrôle, comme c’est le cas avec les agents de la DGCC, qui se chargerait de vérifier le plafond des rémunérations des dirigeants des établissements publics, des entreprises publiques et des sociétés d’État.
Des rémunérations au-dessus de ce que prévoit la loi
Ce contrôle pourrait d’abord aboutir à une réorganisation de certaines structures au sein desquelles on constate que les présidents des conseils d’administration, en violation de l’article 2 du décret n°199/PR/MBCP du 2 aout 2018, disposent d’un cabinet. Or, le texte prévoit que à l’exception des frais de session, les présidents des conseils d’administration des établissements publics, des entreprises publiques et des sociétés d’État ne bénéficient ni d’un cabinet, ni d’une rémunération mensuelle, ni de véhicule de fonction.
Ensuite, l’organe de contrôle pourrait aussi découvrir que certains Agents comptables et Contrôleurs budgétaires autorisent et procèdent au paiement des rémunérations largement au dessus de ce que prévoit le décret n°199/PR/MBCP du 2 aout 2018 sur le plafonnement des rémunérations.
D’autres ne disposent même pas d’un rapport du conseil d’administration qui validerait le montant des émoluments des dirigeants comme le prévoit la loi n°11/82 du 24 janvier 1983 portant régime juridique des établissements publics, des sociétés d’État, des sociétés d’économie mixte et des sociétés à participation financière publique.
Respect de la loi ou motivation ?
Enfin, ce serait l’occasion de découvrir que certains gros salaires ne participent pas au paiement des impôts et au fonctionnement des organismes de protection sociale. La conformité de la rémunération des dirigeants des établissements publics, des entreprises publiques et des sociétés d’État au décret n°199/PR/MBCP du 2 août 2018 pourrait contribuer à lutter contre un déficit constant des comptes de l’État. Cette maitrise des dépenses des rémunérations pourrait enregistrer des économies qui conduiraient à des investissements.
Mais remettre la rémunération au niveau légale n’entamerait-il pas la motivation des dirigeants ? La réponse n’est pas forcément affirmative, car on constate que la réduction des indemnités des parlementaires n’affecte pas les échanges à l’hémicycle et le travail de ces derniers.
Bekale Eugène Junior
Universitaire gabonais