samedi, avril 27, 2024
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    Quand l’indifférence devient la raison de notre désastre patriotique

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    Le désastre. C’est un peu notre actualité. La suite n’est pas bien loin. Il n’existe en ce moment aucune raison d’en être fier. Sous d’autres cieux, le désastre ne serait ni patriotique ni même défendable. C’est pourtant notre quotidien. L’espoir d’être Peuple ou de faire Peuple est éteint dans la manipulation des masses. Il s’est imposé par l’arrogance dans l’exercice de certains pouvoirs. Renforcé par les fausses promesses répandues, à l’envi, jusqu’à l’échelle internationale, la politisation de toutes les idées et des ambitions citoyennes. Il s’exprime aussi par l’assujettissement et les inégalités des classes sociales. Plus percevable est le déni de la réalité par nos gouvernants face à la gestion décadente de notre pays. De vrais nègres négrophiles, bâtardement humain qui font dégoût à l’Histoire. Que dire du mépris des discours divergents ! J’en tire profit pour inviter à réfléchir sur la gestion sociopolitique gabonaise post-covid-19.

    La crise sanitaire mondiale qui a atteint le Gabon appelait à la possibilité d’une responsabilité de nos gouvernants et avec eux, le peuple tout entier. Le constat est là : face à leurs responsabilités, les gouvernants sont en train d’échouer. Le peuple aussi. A la seule différence que l’échec du peuple est entretenu par l’absence de stratégies plus pertinentes et convenables des gouvernants face à ses réalités quotidiennes. Loin d’être actuelle, c’est une situation plus vieille que l’avènement de monsieur Ali Bongo au pouvoir. Loin de changer la donne, depuis 2009, le pouvoir Emergent a renforcé plus de doutes et de méfiances face aux promesses et engagements des gouvernements. Les conséquences sont là.

    « La crise sanitaire mondiale qui a atteint le Gabon appelait à la possibilité d’une responsabilité de nos gouvernants et avec eux, le peuple tout entier. »

    Depuis le 18 mars, monsieur Ali Bongo Ondimba ne cesse d’annoncer des mesures, prendre des engagements et faire des promesses au peuple gabonais. Loin de juger sa volonté de diriger le Gabon et d’être à la hauteur, en tant que Chef de l’Etat, de la gestion de la crise imposée par le Covid-19, je remets en cause l’effectivité factuelle de ces discours face à la réalité sociale. Et qu’on se le dise bien, on ne rassure pas un peuple en lui faisant des promesses, comme il est vrai « qu’on ne nourrit pas un chameau à la cuillère ». Or, depuis 2009, les promesses de monsieur Ali Bongo n’ont été concrètes que d’infime manière. L’absence abyssale d’infrastructures scolaires et sanitaires, la construction poussive des logements sociaux, la distribution radine de l’eau et de l’électricité, le chômage et la paupérisation alarmante des franges entières de la population semblent être autant de facteurs qui remettent en question le respect des mesures barrières et les conditions du confinement des Gabonais imposées par les autorités. Si Ali Bongo l’ignore, son gouvernement le sait. La gestion sociopolitique actuelle de notre pays est un désastre.

    Quand on dirige ou sert un peuple, on n’agit pas par charité, on agit par devoir et par probité morale. On ose nous dire que durant la gestion de la pandémie du Covid-19, l’Etat est capable d’assurer les charges citoyennes, de distribuer des milliards aux familles défavorisées, de garantir le fonctionnement du système sanitaire et scolaire. Que comprendre lorsque les distributions des kits sanitaires et alimentaires se font au nom d’Ali Bongo Ondimba et de sa famille et non en celui du bien commun ? Comment croire que les milliards promis par le Chef de l’Etat au peuple seront transmis quand le don de l’université promise à la jeunesse gabonaise n’est toujours pas effectif ? Que comprendre lorsque les vidéos circulant sur les réseaux sociaux témoignent des conditions méprisables de nos hôpitaux et du manque de professionnalisme du personnel soignant envers les cas testés positifs ? Que dire lorsque les témoignages montrent, dans une indignation justifiée, ces populations confinées sans eaux ni nourriture faire face à la violence policière préférant s’exposer pour survivre ? Comment convaincre les gens de Malinga de se laver les mains alors que le CHUL situé derrière la SEEG n’a pas d’eau ? Comment respecter nos gouvernants quand le Chef de l’Etat est lui-même incapable de tenir sa parole ?

    « Après cette pandémie, nous risquerons de «toucher le fond»« .

    Quand j’essaie de comprendre la gestion actuelle de notre pays en pleine crise sanitaire, je me dis qu’après cette pandémie, nous risquerons de « toucher le fond ». Le fond, c’est la fracture d’une confiance auparavant en lambeau entre les supposés gouvernants et les gouvernés. En dehors du respect imposable par la force publique, la parole de l’autorité ne vaudra plus que mépris et crachat populaire ; si elle ne l’est pas déjà. Notre système éducatif ne sera plus que l’ombre d’une fabrication de croûte d’ignorance. Le pays ne sera que plus endetté et asphyxié par l’insuffisance financière. L’insécurité, les trafics et autres manœuvres informelles de toute sorte atteindront leurs combles. Les riches seront de plus en plus riches et les pauvres agglutinés au bord du précipice sinon condamnés à la mort. Dans les conditions de vie qui sont quotidiennement les leurs, les populations ne seront plus qu’un corps de sujets corruptibles et non des citoyens dignes. Les détournements de dons et de fonds feront à nouveau l’actualité ridicule d’un système qui savait se respecter. Le pays ne sera plus qu’une petite machine à produire des êtres violents aux comportements suicidaires. Les grèves suspendues à cause de la pandémie exaspéreront les batteries de tous les secteurs. Stephen Hessel disait que « dans la notion d’exaspération, il faut comprendre la violence comme une regrettable conclusion de situations inacceptables pour ceux qui les subissent ». Alors on peut dire que la pauvreté engendre une forme d’exaspération.

    Ces craintes ne naissent pas d’une émotion imaginaire. Le désastre est perceptible. Les gouvernants travaillent à colmater les insuffisances qui étranglent leurs propres politiques sociales sans régler les problèmes à leur base : la mauvaise gestion des ressources. Au lieu de constituer une équipe d’observation parlementaire sur la gestion du plan de riposte contre le Covid-19, l’Assemblée Nationale monocolore est spectatrice. Qui est finalement le porte-parole du peuple si même ses représentants admirent son désastre dans une sorte de délectation silencieuse ? De toutes les successions de crises qui affectent notre pays, les gouvernants agissent sans défis, sans stratégies qui ne soient d’avance corrompues. De l’action de ceux qui nous gouvernent, le Gabon fonctionne sans futur.

    Il existe une autre possibilité d’éviter d’alourdir le poids de notre désastre commun. Dire la vérité sur les résultats des cas testés, réorganiser les responsabilités par compétences sans tenir compte des appartenances politiques, cesser de faire des promesses qui deviennent des mensonges ridicules à un peuple qui ne demande que peu, poser des réflexions et prospectives profondes et sérieuses afin d’agir avec efficacité plutôt que de théâtraliser la misère sociale à la télévision, déclarer une année blanche et aménager plus sérieusement notre système éducatif. Cette possibilité incarne le courage d’un véritable changement du moment et de l’avenir. J’ai peur que nous soyons si habitués au désastre que face à l’évidence l’indifférence soit devenue notre attitude patriotique.

    Benicien Bouschedy

    Ecrivain gabonais

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