Dans un billet quasi-quotidien, Serge Abslow analyse avec beaucoup de sarcasme les faits de société et les évènements qui chamboulent la vie du Gabonais dans son pays. Le billet du jour revient sur l’épisode Guy Nzouba Ndama et ses 1 milliard 180 millions de fcfa revenant du Congo. Pour notre chroniqueur, cette histoire rocambolesque pourrait en cacher une autre. En un mot, comme en mille, ce serait une diversion. Lecture en dix points.
1. Voilà la nouvelle affaire #Nzouba qui vient prendre le relais de l’affaire #Ndzoma. Vous connaissez la célèbre formule de Charles Pasqua. « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. »
2. D’entrée, disons-nous la vérité. Ceux qui veulent faire passer cette #affaire_Nzouba pour le scoop du siècle sont les premiers naïfs. Quel Gabonais normalement constitué ignorait jusqu’à hier que Nzouba est multimilliardaire ? Alors qu’il dispose de 1 milliard 180 millions en cash, moi ça ne m’étonne guère. Il est logique qu’il aie autant d’argent.
3. Je prends les paris que cette somme saisie ne représente même pas le 10ème de sa fortune personnelle. Et quand bien même c’était les économies d’une vie, aucun individu bien dans sa tête ne peut courir le risque de se balader avec toute sa fortune. C’est comme posséder 100 millions et acheter un VX. Après, il ne vous reste plus rien.
4. Donc, côté fortune de Nzouba, on est en plein dans le déni. Côté scoop, on est en pleine distraction. Cet homme travaille depuis plus de 50 ans au moins. Il a occupé des hautes fonctions, il a été un baron du régime Bongo. Si en plus il a volé comme tout le monde dans ce pays, 1 milliard 180 millions représente des broutilles. Passons au vrai débat.
5. Et le vrai débat, c’est de se demander à quel dessein cet argent était-il destiné? Notons au passage qu’il provient d’une banque au regard de l’estampille BEAC. Où a-t-il été saisi précisément et quelle banque l’a délivré? C’est bien de faire du cinéma avec des vidéos filmées par des OPJ, mais il faut surtout éclairer l’opinion sur ces points. D’où venait-il? Où allait-il? Avec qui était-il?
6. Parce qu’il est tellement évident que les gendarmes qui l’ont interpellé ont été préalablement renseignés sur ce qu’il transportait, au point de faire preuve d’un zèle et d’une intransigeance que personne ne leur connaît. Qu’on ne nous prenne pas pour des idiots en nous faisant croire que ce coup de filet est un exploit. C’est au contraire une belle mascarade ayant pour objectif d’humilier un adversaire politique.
7. Je refuse d’être cet idiot de service qui analyse et comprend cette actualité au premier degré. Parce qu’on se connaît dans ce pays. Tout est possible avec ces gens. Qu’on m’explique comment l’un des opposants principaux à un régime qu’il a servi hier et qui lui tient rigueur de s’en être désolidarisé, peut-il ainsi jouer avec le feu et s’exposer à la vengeance de ses anciens amis?
8. Nous sommes tous Gabonais et nous arpentons nos routes avec nos glacières et nos valises depuis la nuit des temps. Qui a déjà subi une fouille de ses bagages? On est certes tous victimes des abus de nos agents aux postes de contrôle, mais ils ne fouillent jamais nos bagages. Et voir celà arriver subitement à Nzouba, il y a anguille sous roche.
9. Cette ridicule mise en scène peut-elle être justifiée sous l’angle du droit ? Peut-on transporter autant d’argent en liquide à l’intérieur de ce pays ? La loi étant muette sur la question, jusqu’à preuve du contraire, je ne vois pas où se trouve l’infraction. En revanche, si Nzouba a franchi la frontière avec une telle somme, il y a matière à réflexion.
10. Le seul vrai problème se situe à mon sens, au plan moral. Qu’il puisse où non justifier cet argent, Nzouba Ndama a manqué de moralité en se trimballant avec une telle somme dans le contexte actuel de diète généralisée. C’est indécent. Il a surtout fait preuve de naïveté en pensant que ceux avec qui il est allé dealer, parce que cet argent vient bien de quelque part, étaient des enfants de cœur. En celà, il a été un vrai « bouroubourou ».
Sarcastique vôtre !
Serge Abslow, chroniqueur