jeudi, avril 25, 2024
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    Le Billet sarcastique : appauvrissement de l’Etat et enrichissement des individus 

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    Dans un billet quasi-quotidien, Serge Abslow analyse avec beaucoup de sarcasme les faits de société et les évènements qui chamboulent la vie du Gabonais dans son pays. Le billet du jour traite du déclin et de l’appauvrissement de notre pays au profit d’individus qui le spolient sans scrupules. Lecture en dix points.

    1. Le vendredi dernier, j’évoquais dans ma tribune hebdomadaire sur Gabonreview intitulée « Abslow parle aux gabonais : ces petites aberrations qui renforcent l’idée d’un pays paradoxal« . J’y dénonçais déjà de nombreuses incongruités qui participent du terrible paradoxe gabonais. Mais j’avais pris soin de ne pas aborder l’appauvrissement progressif de l’État au cours de la dernière décennie, alors qu’on observe dans le même temps, un enrichissement paradoxal des individus.

    2. S’il est vrai que les grands agrégats économiques qui permettent de juger de la santé d’un pays sont toujours positifs, force est de constater que la bonne santé de l’économie gabonaise revendiquée par les gouvernants, ne s’est pas traduite par une révolution sur le plan infrastructurel qui témoignerait d’un enrichissement de l’Etat. Au contraire, pendant que les PIB, PNB et taux de croissance demeuraient appréciables d’année en année, on a constaté inversement une dégradation du patrimoine public qui témoigne d’un appauvrissement de l’État.

    3. Nul besoin de lister ici les nombreuses destructions d’équipements collectifs durant cette période au nom de leur modernisation ou de leur réhabilitation, qui n’ont point vu le jour et qui sont passées par pure perte en devenant, au mieux, des éléphants blancs, au pire, des déserts. La cité de la Démocratie et son palais des congrès que l’Afrique entière nous enviait, à cédé son lustre à une forêt en plein cœur de Libreville. Le Parc des expositions de Libreville, autrefois plaque tournante du commerce international, est devenu un immense entrepôt de matériels divers à ciel ouvert.

    4. Ces deux exemples sont emblématiques de la destruction du patrimoine immobilier public qui participe de cet appauvrissement de l’État. Mieux encore, la question de la grave dégradation des voiries urbaines dans les principales villes gabonaises renforce cette idée de l’appauvrissement de l’État. Oyem, autrefois l’une des plus coquettes villes du Gabon, est aujourd’hui une ville dévastée où le goudron a quasiment disparu pour laisser la place à la latérite et où l’éclairage public se résume à quelques lampadaires parsemés.

    5. Mais le signe qui illustre le mieux l’appauvrissement du Gabon est la dégradation du réseau routier sur toute l’étendue du territoire et dont la conséquence est la fragmentation du pays par de nombreuses routes coupées par des éboulements, des ponts brisés, des rivières en crue… Il en va de la route comme du chemin de fer, dont le dernier affaissement d’un flanc de montagne, l’a rendue inexploitable depuis plus d’un mois jusqu’à ce jour. C’est à tel point que le Gabon est aujourd’hui un pays balkanisé par des pans de territoires entiers inaccessibles.

    6. Dans le même registre de faits illustratifs de l’appauvrissement indubitable du Gabon, la disparition de sa compagnie aérienne Air Gabon, autrefois le fleuron de l’aviation civile en Afrique. Quand un pays n’est plus capable de se doter d’une compagnie aérienne, élément de souveraineté en matière de transport de ses élites, comment l’interpréter autrement que par son appauvrissement ? Même au plan maritime, la CNNI qui faisait flotter le pavillon Gabon sur les océans du monde, n’est plus qu’un rafiot qui peine à prendre le large de l’Ogooué dans sa partie navigable.

    7. Et que dire de ces ministères et institutions sans domicile fixe dont les services sont éparpillés dans des immeubles privés loués par l’Etat ? Les quelques ministères disposant encore de locaux dédiés travaillent dans des bâtiments insalubres où l’eau est rare et l’électricité un danger. La climatisation autrefois centralisée dans ces administrations vétustes est devenue un luxe. L’hôtel de ville de Libreville illustre parfaitement le déclin et l’appauvrissement de notre pays. Ce bâtiment à l’allure enviable à l’extérieur est à l’intérieur une galerie des horreurs qui fait courir aux employés et aux usagers tous les dangers.

    8. On pourrait lister ainsi jusqu’à l’infini tous les faits qui témoignent de l’appauvrissement progressif de notre pays au cours de la dernière décennie. Mais le plus choquant n’est pas cet appauvrissement indubitable dont les effets sont multiples. Le plus choquant réside dans l’enrichissement paradoxal des individus pendant que le pays s’appauvrit inversement. Cet enrichissement exponentiel des individus inversement proportionnel à l’appauvrissement de l’Etat, se mesure à l’apparition de patrimoines immobiliers privés dans les quartiers de Libreville et des autres villes.

    9. Des immeubles cossus et des villas de très haut standing sont érigés dans les quartiers chics. Des édifices à usage commercial poussent dans des zones d’affaires ou dans les nouvelles villes dont l’urbanisation est davantage impulsée par des nouvelles fortunes privées que par l’État central. Tout ce qui s’y construit est le fait de personnes et non de l’État. Akanda est de ce point de vue, la nouvelle vitrine de cet enrichissement des individus au détriment de l’État. Cette ville connaît un boom immobilier soutenu par ces fortunes récentes. 

    10. De grands projets immobiliers dont la propriété converge vers les mêmes noms, les mêmes familles et les mêmes lobbies politiques ou d’affaires y voient le jour. Et ce n’est pas un hasard si de nouvelles ruelles apparaissent pour desservir ces patrimoines immobiliers. Le comble de l’ironie est que le stade d’Angondjé et le Delta Postal, seuls patrimoines immobiliers de l’État dans cet îlot de prospérité, tombent en ruine. Mieux, l’Hôtel de ville d’Akanda est une résidence privée que la municipalité loue à un individu depuis 7 ans, preuve s’il en fallait encore, de l’appauvrissement de l’État.

    Sarcastiquement vôtre !

    Serge Abslow, chroniqueur 

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