Dans un billet quasi-quotidien, Serge Abslow analyse avec beaucoup de sarcasme les faits de société et les évènements qui chamboulent la vie du Gabonais dans son pays. Le billet du jour est l’acte 2 de « La tétralogie du déclin« . Lecture en dix points.
1. Selon la définition déclinée à la conclusion de l’acte 1 de ma série « La tétralogie du déclin », les vicieux qui sont les acteurs de cet acte 2 sont des « hommes ayant une disposition naturelle pour le mal, et qui sont particulièrement enclin à la débauche et au libertinage« . Les vicieux sont malins et fourbes car ils savent se parer d’un air sérieux. Ce n’est pas un hasard si le Larousse leur prête comme synonymes, les adjectifs suivants: abjects, imparfaits, malsains, obscènes, pervers, retors, rusés, sales, sournois et tarés.
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2. Voilà résumé en 10 mots plein de sens, la psychologie des vicieux. Ceux qui ont gouverné notre pays de la période allant du début des années 70 jusqu’à la fin de la décennie 2010. 40 ans sans discontinuer d’une gestion mi figue-mi raisin, dont la meilleure période me rappelle aux bons souvenirs des décennies 70 et 80. La seule période où les Gabonais se sont sentis véritablement heureux et fiers. Je l’ai déjà écrit, cette période représente pour moi l’âge d’or du Gabon au cours duquel, en termes de prestige, ce pays était au firmament, comparativement à ses pairs.
3. Dès lors qu’il avait atteint cette asymptote, à défaut d’un sursaut patriotique et d’amour propre, toutes choses choses qui découlent de l’éducation et de l’éthique, il ne pouvait que décliner. Mais là n’est pas mon propos. Il est davantage orienté à scruter le « portrait moral » de presque deux générations de Gabonais qui se sont relayés au pouvoir et participé à la gestion du pays durant ces 40 années d’une gouvernance tiède, presque fade. Certains sont demeurés en place tout au long des 40 ans, forgeant de leur empreinte indélébile, la conscience publique.
4. Personnages emblématiques du landerneau politique, ils traversaient les âges en même temps qu’ils traversaient les remaniements ministériels sans grands dommages, durant lesquels ils jouaient dans les gouvernements successifs, au jeu des chaises musicales, sans jamais être capables d’apporter un souffle nouveau à leur gouvernance éprouvée, essoufflée et irréversiblement entachée de toutes sortes d’abus : (1) abus de pouvoir; (2) abus d’autorité et bien sûr, (3) abus de biens sociaux. Les vicieux ne se refusaient rien.
5. Arrivés aux affaires alors que nous n’étions que des enfants, ils y ont vieilli pendant que nous nous érodions devant la misère sans cesse grandissante et qui contrastait inversement avec leur enrichissement exponentiel. Ils avaient sanctuarisé notre territoire en petits royaumes où ils régnaient sans partage. Ils avaient baptisé ce « fromage politique », la géopolitique et ils nous vantaient ce concept comme une belle innovation. Ils avaient fini par se croire éternels tant ils avaient réussi à ruiner et à étouffer les aspirations du peuple à la démocratie durant les premières 20 années.
6. Imposant par le fer d’abord, puis par la malice ensuite, le parti unique, seul creuset d’un développement harmonieux. Mais, la liberté, nulle part, n’est destinée à être mise sous le boisseau. Bien heureusement, en 1990, le vent de l’ouest souffle sur le Gabon, rappelant la bonne odeur de la liberté et de la démocratie et réveille nos consciences endormies. Mais, les vicieux, souvenez-vous, sont aussi rusés. Après avoir été presque calcinés par le feu de la démocratie, ils renaîtront de leurs cendres tels des phénix. Et évidemment, ils vont se renforcer.
7. Mais les serpents ont beau faire leur mue, ils n’en perdent pas pour autant leur venin. Les vicieux prolifèrent grâce au pouvoir de l’argent, et réussissent leur mutation en s’attachant une nouvelle génération de vicieux. Contrairement à leurs disciples plus tard, ils choisissent de continuer à « faire du vieux avec du neuf« , sauvant par cette mutation leur race de vipères. Et fatalement, le saccage se poursuit allégrement et méthodiquement. Entre 1990 et 2009, on s’enracine, en dépit de quelques soubresauts qui ne sont pas de nature à ébranler les équilibres géopolitiques.
8. Mais toujours, les vicieux triomphent des quelques velléités d’émancipation. Presque tout le monde s’aligne et/ou rampe devant leur sérénissime grandeur. La plus haute ambition portée par les Gabonais dans la sphère politique, se limite alors à entrer au gouvernement ou dans la haute administration, pour vivre sous l’aile tutélaire des #vicieux indéboulonnables devenus entre-temps des demi-dieux au service de Dieu. Appâtée par cette vieille garde, la jeunesse mord tant et si bien à l’hameçon, qu’elle renonce à toutes les valeurs qu’elle porte si fièrement ailleurs.
9. Une génération nouvelle engendrée par les vicieux et décidée à lui succéder voit alors le jour. Assurée qu’elle tiendra leur rang et honorera leur triste pédigrée, elle apportera à cette « vicissitude » devenue ennuyeuse par sa routine, un brin de sophistication. Les chiens ne font pas des chats. Comment donc s’étonner quand cette sophistication se manifeste déjà à travers cette « régénération et revitalisation » subliminales, dont la manifestation la plus éclatante est « l’accélération de la transformation » à contre sens de la marche des nations, de notre cher pays.
10. Le règne des pernicieux commence en 2010. Dans la suite logique des vicieux, ultime note de sophistication de leur système, ils ont pris soin de s’attacher les services d’apatrides, de rastaquouères et d’aventuriers venus des quatre vents, pour leur prêter main forte dans l’abaissement, la dégradation et l’inévitable déflagration qui provoquera l’implosion finale de la nation. Les Pernicieux sont donc la version améliorée des Vicieux et le Larousse les définit comme des « êtres mauvais, dangereux, nuisibles, préjudiciables, le plus souvent d’un point de vue moral ou social ».
Sarcastiquement vôtre !
A suivre… « La tétralogie du déclin : l’entracte chaotique des pernicieux #Acte 3:
Serge Abslow
Chroniqueur