mardi, avril 30, 2024
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    Lecture comparative du refrain de Lewa dans « All night feat Damien Owono » à la lanterne du Sonnet pour Hélène de Pierre de Ronsard

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    KRIST KRIST
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    De son vrai nom Jilkrist BINGANA MOMBO, Krist est un critique d'art de 25 ans. En Master recherche de Lettres Modernes, il est également un artiste auteur compositeur. C'est à la croisée de la littérature et de la musique que Krist nous propose des lectures interprétatives des textes de chansons. Depuis février 2022, il est contributeur à Inside News241.

    L’univers dans lequel je m’en vais vous plonger a un nom : il s’appelle l’univers des possibles.  Il consiste à explorer les possibilités interprétatives des textes de chansons, afin de ressortir un infini de sens et de conclusions auquel  même leurs auteurs ne s’attendaient pas. Ici par le texte par lui-même.


    Sonnet pour Hélène: Pierre de Ronsard ( XVIe siècle )

    Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,

     Assise auprès du feu, dévidant et filant,

    Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :

    « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ! »

     Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,

    Déjà sous le labeur à demi sommeillant,

    Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant, 

    Bénissant votre nom de louange immortelle.

    Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,

    Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;

    Vous serez au foyer une vieille accroupie, 

    Regrettant mon amour et votre fier dédain. 

    Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : 

    Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

    Nous analyserons les paroles de Lewa en oscillant entre son texte et celui de Ronsard afin de démontrer comment la question de la sexualité féminine est traitée dans un élan de renouvellement des perspectives. Faire une étude comparative de textes aussi éloignés dans la diachronie nécessite de prime abord l’acceptation d’une réalité altérée. En ce sens Lewa présente une figure féminine à l’opposé de celle de Ronsard.

    La thématique du « Carpe hora » soulevée par Ronsard est associée au personnage masculin dans le vers : « Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. ». Son énonciation sur le ton pédagogique en fait une réalité circonstanciellement masculine que Ronsard devrait transmettre à la femme qu’il désire. 

    Quant à Lewa, elle attribue cette philosophie à son personnage féminin qui exprime haut sa disposition à profiter de l’instant présent. En ce sens nous lisons chez Lewa :« Like it ain’t no tomorrow Wominam all night oh » Comme si demain n’existait pas Wominam toute la nuit.

    La nuit chez Ronsard donne place à une femme exerçant avec ennuie le tricot. Le poète écrit: « Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant ». Il peint ainsi le tableau d’une nuit de solitude.

    Chez Lewa la nuit est le lieu d’expression de « l’expertise féminine »

    Le néologisme «wominam» se forme ainsi des bases radicales womin (women en français femme) et de am (Artium magister) qui désigne la Maîtrise universitaire. La femme pour Lewa est dotée d’une expertise particulière qu’elle exerce le long de la nuit.

    La tradition courtoise voudrait que l’homme fasse pour sa désirée des exploits desquelles s’exhale l’intérêt qu’il porte pour cette dernière. D’où le vers: « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ».

    Lewa abolit cela en instituant un nouvel ordre selon lequel il n’y a rien à prouver. Le jeu de séduction se fait d’égal à égal dans la simplicité de la confidence et de l’intimité. En ce sens la chanteuse écrit: « anything you have to show just imagine we alone » Tu n’as rien à prouver juste imagine nous seuls.

    Dans les vers : « Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant // Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ! », la thématique de la fuite du temps est souligné par le moyen de l’alternance des temps verbaux, entre le futur et l’imparfait : [« Direz ; célébrait ; j’étais »

    Lewa dans un élan de complainte met le temps en suspension, rompt le cours naturellement fluide et fuyard de celui- ci en vue de savourer l’instant présent. Ainsi écrit-elle: « But don’t rush anything can we make it slow? » Mais ne précipite rien peut on  ralentir ?

    Sa complainte est amplifiée par le moyen de la sollicitude dans la phrase : «Make it last a little long I wish you would never go » Fais durer l’instant je souhaite que tu ne partes jamais. 

    Le souhait de Lewa est lancée en rétorque à Ronsard qui déclare tragiquement « Je serai sous la terre, et, fantôme sans os, // Par les ombres myrteux je prendrai mon repos.»

    En somme le texte de Lewa participe à la formation d’un esprit nouveau qui fait de la femme un être qui assume pleinement son inclinaison au désir et qui se meut avec expertise dans les sphères de l’intimité.

    J-K

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