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    Portrait : « Raymond Ndong Sima, le Petit Chose et parricide » 

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    A regarder de près, Raymond Ndong Sima est une créature d’Ali Bongo qui a fini par se retourner contre son créateur. Le parricide est un classique dans la vie politique. Raymond Ndong Sima est né politiquement le 27 février 2012, lorsque le président Ali Bongo Ondimba le nomme Premier ministre en remplacement de Paul Biyoghe Mba, au lendemain des élections législatives de décembre 2011, largement remportées par le Parti démocratique gabonais (PDG). Bien avant, Raymond Ndong Sima était peu connu du grand public, il menait une carrière politique terne, une ascension professionnelle oscillant entre l’administration publique et le privé. Portrait. 

    « Raymond Ndong Sima vient au monde le 23 janvier 1955 à Oyem, dans le nord du pays. Après de brillantes études primaires et secondaires sanctionnées par un baccalauréat, série B (économique et sociale) en 1974, il poursuit ses études à l’université de Paris XIII où il obtient une maîtrise en économie puis un diplôme d’études approfondies (DEA) en économie mathématiques et économétrie à l’université Paris-Dauphine. Il se spécialisera plus tard en suivant des cours à l’Institut de développement économique (IDE) de la Banque mondiale, au Centre d’études financières, économiques et bancaires (CEFEB) de Versailles puis aux Etats-Unis à la John Fitzgerald Kennedy School of Government, Harvard university.

    Started from the bottom

    De retour au Gabon, Raymond Ndong Sima commence au plus bas de l’échelle. Il intègre l’administration publique comme chargé d’études à la Direction générale de l’économie avant d’être promu l’année suivante Directeur des synthèses économiques puis il rejoint le ministère de la Planification en 1987 comme conseiller du ministre. En 1992, il devient Directeur général de l’économie. Entre 1994 et 1997, Raymond Ndong Sima va administrer plusieurs entreprises parapubliques et privées parmi lesquelles la Compagnie forestière du Gabon, la société nationale d’hévéaculture (HEVEGAB), la Compagnie d’exploitation du chemin de fer. En 2003, il crée sa propre société de transports terrestre « Voyages et loisirs des Tropiques ». Il lancera en 2019 l’université de Bissegué au PK 8. 

    De Conseiller municipal à Premier ministre 

    Sa carrière politique sera à l’image de sa carrière professionnelle. Là encore, il commence au bas de l’échelle. On le retrouve en 2007 comme conseiller municipal de la ville d’Oyem. La volonté du nouveau Prince, Ali Bongo, élu président de la République, l’impose comme ministre de l’Agriculture, de l’Elevage, de la Pêche et du Développement durable. Investi par le PDG, il est élu en décembre 2011 député du 3e siège du canton Kyé, dans le département du Woleu-Ntem.

    En choisissant Raymond Ndong Sima comme Premier ministre le 27 février 2012, Ali Bongo Ondimba s’affranchit de la règle qui voudrait que le Chef du gouvernement soit un baron du PDG issu de l’ethnie Fang de la province de l’Estuaire. Échaudé par les rivalités, les querelles de leadership, les velléités des barons qui ont déchiré le PDG aux lendemains de la mort d’Omar Bongo Ondimba, Ali Bongo Ondimba a conscience de vouloir créer sa propre oligarchie, acquise à sa cause. Raymond Ndong Sima a la tête de Turc, pour ne pas dire la tête de l’emploi. Il n’appartient pas à l’establishment des barons du régime, il n’en a ni l’âge ni le parcours, encore moins de donjon à fortifier.

    Un Premier ministre sans ses attributs

    Le gouvernement que le Prince lui impose est à l’image de la volonté de ce dernier de redistribuer les cartes de l’échiquier politique. Les derniers barons qui avaient montré patte blanche sont remerciés : Paul Toungui (Affaires étrangères), René Ndemezo Obiang (Jeunesse et sports), Alexandre Barro Chambrier (Mines)… On notera la présence dans ce gouvernement d’Emmanuel Issozet Ngondet, Rose Christiane Ossouka Raponda, épouvantails dont Ali Bongo se servira plus tard pour enterrer définitivement et sans oraison funèbre la vieille règle géopolitique qui voulait que le poste de Premier ministre soit exclusivement réservé à un Fang originaire de l’Estuaire.

    Très vite, la nomination de Raymond Ndong Sima apparaît comme une erreur de casting. Il ne trouve pas ses marques face aux puissants collaborateurs du Chef de l’Etat qui ont fait du Palais du bord de mer où ils siègent, murmurent à l’oreille du président, une sorte de gouvernement « bis ». Les arbitrages sont toujours à leur faveur face au chef du gouvernement. Le Premier ministre peine à imposer son style, à mettre en musique les projets présidentiels comme il le souhaite. Les décisions se prennent au Palais du bord de mer et non à l’immeuble du 2 décembre. Le Premier ministre est traité comme un simple collaborateur du chef de l’Etat par ses conseillers. 

    Un charisme aux abonnés absents

    Certes, Raymond Ndong Sima a le goût de l’ordre et de l’autorité.  Mais il n’a ni les qualités d’un officier de troupes encore moins les vertus d’un chef d’état-major. Il lui manque et il lui manquera toujours le don le plus rare, le plus précieux en politique : le charisme Ce défaut est dans tous les portraits assassins et vengeurs que lui taillent ses adversaires. Il n’est pas un tribun, un bon orateur, il ne dégage aucune vitalité. Il a une belle mécanique intellectuelle, un cerveau qui tourne vite, il a une mémoire de chiffres, une connaissance de dossiers… il peut être charmeur, mais il cultive inconsciemment cette image peu flatteuse d’être un économiste qui a échoué en politique par effraction. Pour preuve, il n’a aucun goût pour les manœuvres, la rouerie, la cuisine des états-majors politiques, il n’a aucune science des éclats permanents, des petites phrases assassines… Ce n’est pas un tonton flingueur… Pourtant, pour réussir en politique, il faut avoir le goût du sang, sans état d’âme.  En privé, Raymond Ndong Sima est un bon vivant qui aime la bonne chair au sens propre comme au figuré, il est avenant, chaleureux. 

    Raymond Ndong Sima est assez amère lorsqu’il est remplacé par Daniel Ona Ondo au poste de Premier ministre le 24 janvier 2014. L’année suivante, il quitte le PDG et dresse un réquisitoire du régime dans un livre-programme sous le titre « Quel renouveau pour le Gabon » aux éditions Pierre Guillaume de Roux. En 2016, Raymond Ndong sima se présente à l’élection présidentielle et  récolte 0.42 % des suffrages exprimés. Le 14 janvier 2023,  croyant en ses chances, Raymond Ndong Sima a déclaré officiellement sa candidature à la présidentielle qui se tiendra dans quelques mois.

    Le Petit chose veut être calife à la place du calife !« 

    Par Janis Otsiémi, romancier

    • Prix du Premier Roman Francophone 2000 – « Tous les chemins mènent à l’autre »
    • Prix du roman gabonais 2010 – « La vie est un sale boulot »
    • Prix Dora Suarez 2017 – « Les voleurs de sexe » 

    Prochain portrait : « Pierre-Claver Maganga Moussavou, le caméléon de Moutassou. » 

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