samedi, mai 4, 2024
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    Transition : quel avenir pour le Gabon ?

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    Ferdinand DEMBA
    Ferdinand DEMBAhttp://www.insidenews241.com
    Passionné de lettres et désormais de chiffres, FD est le directeur de publication d’Inside News241. Journaliste de métier et de convictions, lui et son équipe sont au service d’une information objective, d’utilité publique et au service de la vérité.

    Depuis le coup d’État du 30 août 2023 ayant conduit à la prise de pouvoir par les militaires et la chute du régime Bongo-PDG, le Gabon se trouve à un carrefour politique crucial. La transition politique est un moment exceptionnel dans l’histoire d’un pays, marqué par des choix stratégiques qui façonneront son avenir. En plein Dialogue national inclusif, les Gabonais s’interrogent sur la voie qu’empruntera le pays pour les mois et années à venir. 

    On ne le dira jamais assez, la transition politique représente un processus de transformation au sein du système politique d’un pays, où l’on passe d’un régime, souvent autoritaire, le cas du Gabon, à un système plus démocratique. Cette période de transition peut être essentielle pour instaurer une démocratie durable et pour promouvoir la stabilité et le développement politique, économique et social. La transition est d’ailleurs souvent considérée comme une occasion pour réformer les institutions politiques, rédiger une nouvelle constitution, promouvoir les droits de l’homme et créer un environnement propice à des élections libres et justes. C’est le pari que semble s’être fixé le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), conduit par le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, à travers sa Charte de la Transition. 

    Une situation confuse

    Cependant, depuis quelques semaines, des voix s’élèvent pour dénoncer une cacophonie ou une volonté manifeste des militaires de restaurer les dirigeants du régime déchu. La sortie du député de la Transition et acteur de la société civile Marcel Libama ou celle du député Gérard Ella Nguema et d’une partie non négligeable de la population, en atteste. Ces derniers dénoncent une place trop importante accordée au régime déchu dans la gestion de la transition. Une situation confuse qui laisse de nombreux observateurs dubitatifs sur les réelles motivations derrière le coup d’État du 30 août 2023 que l’ancien candidat à la présidentielle de 2023, le professeur Albert Ondo Ossa a qualifié de “Révolution de Palais” sur les antennes de TV5 Monde.

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    Pour mieux comprendre la situation du Gabon, nous nous sommes intéressés à deux auteurs qui ont largement écrit sur la transition politique. Selon Terry Lynn Karl et Philippe C. Schmitter, quatre modes de transition se distinguent, chacun reflétant des dynamiques spécifiques. Le premier mode, le pacte (conservative reform), repose sur un compromis entre les élites anciennes et nouvelles. Un exemple éloquent est celui de l’Uruguay, où des négociations secrètes ont abouti à des élections démocratiques en 1984, illustrant la capacité des élites à trouver un terrain d’entente pour restaurer la stabilité politique.

    Réforme ou imposition

    En revanche, l’imposition (revolution form) se caractérise par une décision unilatérale des élites, comme observé en Uruguay lors de l’élimination du communisme sans consultation populaire en 1990 ou au Burkina Faso et Mali. Ce mode souligne le pouvoir décisionnel concentré entre les mains des dirigeants. La réforme (reform from below) représente quant à elle une volonté populaire d’instaurer des changements sans recourir à la violence. Les masses exercent ainsi une pression pacifique pour influencer les réformes politiques. Enfin, la révolution (social revolution) incarne un processus radical imposé par la force et soutenu par une mobilisation populaire intense. Le Printemps arabe en Tunisie illustre parfaitement ce mode de transition, où le peuple a renversé le régime autoritaire par la force collective en chassant le président Zine el-Abidine Ben Ali.

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    À la lumière des travaux de Terry Lynn Karl et Philippe C. Schmitter sur les modes de transition, il est essentiel d’évaluer vers quel type de transition le Gabon se dirige, en particulier en examinant les actions du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) vis-à-vis de l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG).

    « Copains et coquins » ?

    En effet, pour certains Gabonais, le pays semble s’orienter vers une transition caractérisée par un pacte (conservative reform), qui repose sur un compromis entre les élites anciennes et nouvelles. Les mesures prises par le CTRI jusque-là donneraient une impression d’arrangements d’arrière boutique avec l’ancien régime. Ils en veulent pour preuve la nomination des anciens dirigeants du régime déchu au Parlement de la transition et dans toutes les autres institutions du pays, y compris dans les Délégations spéciales où ils sont majoritaires par rapport aux partis politiques de l’opposition. “Les autorités de la transition semblent avoir choisi de diriger le pays avec le Parti démocratique gabonais qu’ils prétendent avoir déposé le 30 août 2023, en invoquant le principe d’inclusivité qui n’a pas sa place dans une phase de restauration des institutions détruites par ces mêmes pédégistes”, précisent un observateur de la scène politique gabonaise. 

    Toutefois, pour déterminer précisément et avec objectivité le type de transition au Gabon, il serait essentiel d’examiner le contexte post-coup d’État. Si le nouveau régime cherche à négocier avec d’autres factions au sein de la “nouvelle élite” ou avec les représentants de la société civile pour établir les règles de la future gouvernance démocratique, cela pourrait constituer un passage vers une forme de « pacte » ou de compromis multilatéral que certains Gabonais dénoncent actuellement. En revanche, si le coup d’État débouche sur une ouverture vers une participation plus large de la population dans le processus politique, avec des efforts pour impliquer les citoyens dans la réforme de façon significative, cela pourrait indiquer une évolution vers une « réforme d’en bas ». C’est le chemin que devrait tracer le Dialogue national inclusif en cours qui se déroule du 2 au 30 avril. 

    Vers une amélioration ?

    Il est également possible que la situation évolue. Les transitions politiques sont dynamiques et peuvent prendre des trajectoires inattendues en fonction des négociations entre les différents acteurs, des pressions internes et externes, et de la capacité du pays à gérer le changement. Pour le Gabon, la direction que prendra la transition dépendra en grande partie de la légitimité du nouveau régime aux yeux de la population, de sa volonté et de sa capacité à engager un dialogue souverain, et de l’influence des acteurs extérieurs intéressés par la stabilité et le développement du pays.

    Par ailleurs, il est également crucial de considérer la possibilité d’une réforme (reform from below) émanant des masses gabonaises. Si ces dernières parviennent à influencer les décisions politiques sans recourir à la violence, le pays pourrait connaître une transition plus inclusive et participative. 

    En somme, il est primordial pour le Gabon de trouver un équilibre entre l’autorité imposée par les nouvelles élites et la volonté populaire exprimée par les masses. Cette période transitoire déterminera l’avenir démocratique du pays et sa capacité à instaurer des réformes durables et légitimes. Mes mots finissent ici, mais nos conversations se poursuivent. “Okayi vitsi vitsi” (allons-y doucement, en langue Dikota) !

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