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    Janis Otsiemi : « Lettre ouverte à Monsieur Ali Bongo Ondimba, Président de la République »

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    Dans une lettre ouverte adressée au président de la République Ali Bongo Ondimba ce mercredi 1er mars 2023, dont Inside News241 a reçu copie de l’auteur lui-même, l’écrivain Janis Otsiemi demande à nouveau au Chef de l’État de renoncer à un troisième mandat à la présidentielle 2023, en pleine ouverture du One Forest Summit auquel doit prendre part le président français Emmanuel Macron. Pour l’auteur primé au Gabon et à l’international, le Chef de l’Etat devrait renoncer à sa propre succession, afin de se « reposer et profiter » de des « proches » et « petits-enfants ». Nous publions intégralement ladite lettre ouverte.

    « Monsieur le président de la République,

    Il y a quelques mois, je me suis permis de vous écrire une lettre ouverte par la voie des médias et des réseaux sociaux. Dans cette lettre, je vous exhortais à ne pas vous présenter à votre propre succession à la prochaine élection présidentielle prévue cette année. Je doute fort que vos proches collaborateurs vous en ont fait lecture, peut-être pour ménager votre susceptibilité ou votre état de santé fragile, j’imagine.

    Je prends à nouveau ma plume pour vous écrire par les mêmes canons.

    Monsieur le président de la République,

    Dans quelques mois, les Gabonais auront rendez-vous avec l’Histoire. Ils seront appelés aux urnes pour élire leur nouveau président de la République et non le réélire. La nuance est de taille ! La Constitution – que vous avez modifiée au fil des ans à votre gré – vous autorise à vous représenter à la prochaine présidentielle pour solliciter un quinquennat selon les résolutions de la dernière concertation politique que vous avez convoquée et dont les résultats sont décriés par le plus grand nombre des Gabonais. Si vous ne vous êtes pas encore officiellement prononcé, certains signent ne trompent pas. Plusieurs militants et sympathisants du Parti démocratique gabonais (PDG) dont vous êtes le « camarade président distingué » vous appellent à vous y présenter en vous promettant une victoire cash ! Et personne ne doute que le choix shakespearien d’être ou ne pas être à nouveau candidat hante vos réflexions depuis plusieurs mois, que l’envie vous démange comme un furoncle de rempiler pour nouveau mandat. Et que votre état de santé fragile depuis votre accident vasculaire cérébral (AVC) survenu en octobre 2018 et votre bilan négatif ne vous simplifient pas l’équation. Sans oublier la confiance que vos compatriotes ne vous accordent plus.

    LIRE AUSSI : Janis Otsiemi à Ali Bongo : « je vous exhorte à ne pas vous présenter à la prochaine présidentielle » 

    Pourtant, en ne briguant pas un troisième mandat, vous vous rendez un grand service. Vous rendrez un grand service à votre famille et à la nation. Vous vous éviterez une fin de règne qui prend des allures d’un chemin de croix.

    De grâce, Monsieur le Président de la République, je vous exhorte à nouveau à ne pas vous présenter à votre propre succession à la prochaine élection présidentielle !

    En vous exhortant à le faire, je ne me berce nullement d’illusions.  

    Votre doigt d’honneur, vous nous le planterez bien profond car vous ne nous ferez pas cet honneur, vous ne nous offrirez pas ce cadeau. Vous êtes trop imbu de votre personne, vous êtes habité par votre destin que par votre entrée dans l’histoire. Votre cynisme l’a toujours emporté sur votre lucidité. Vos intérêts personnels l’ont toujours emporté sur l’intérêt général.

    Je le conçois volontiers : 

    Partir, pour vous, c’est mourir. 

    Vous ne connaissez rien du monde du travail, vous n’avez jamais connu la précarité, les fins de mois difficiles,  car depuis plus de cinquante ans, vous vivez aux mamelles de l’Etat. Vous n’avez connu et vécu que sous les lambris des palais présidentiels.

    J’ai du mal à vous imaginer en retraité, retiré dans un ranch à Bongoville, cultivant votre petit jardin ou prenant soins de vos bêtes au petit matin, écrivant vos mémoires le soir venu. Vous n’avez jamais été un érudit. Et vous ne vous en êtes jamais caché.

    J’ai encore du mal à vous imaginer en retraité, retiré sur la Côte d’Azur, riant des espiègleries de vos petits-enfants sur vos jambes, ou vous livrant à vos passions de jet-setteur que vous avez toujours été : course de jet ski, de moto, de voiture ou de bateau. 

    Partir, pour vous, c’est mourir.

    Vous trainez comme un fil à la patte des casseroles judiciaires qui risquent de vous rattraper : les biens mal acquis accumulés par votre défunt père, Omar Bongo, et dont vous en êtes le principal bénéficiaire et héritier. Le sort réservé à Teodoro Obiang Nguema Mangue par la justice française ne doit pas souvent vous rendre le sommeil paisible.

    Partir, pour vous, c’est mourir.    

    Qui mieux que vous peut garantir la survie du Clan en attendant que votre fils Noureddin use ses culottes sur les bancs de l’antichambre du pouvoir pour apprendre le métier et vous succéder ?

    LIRE AUSSI : Janis Otsiemi appelle Sylvia Bongo, à exhorter le président de la République « à ne pas se présenter à la présidentielle 2023 » 

    Mais les Gabonais n’attendent plus rien de vous ! Pour beaucoup d’entre nous, vous êtes un homme du passé !  Vous êtes usé, carbonisé par l’usure du pouvoir. Quatorze ans, ça suffit ! Vous avez trahi votre peuple. Vous avez allumé en eux des faux quinquets d’espoir et d’espérance. Nous avons attendu le développement plus de quarante ans durant le règne sans partage de votre défunt père Omar Bongo, et nous avons consenti des efforts durant les quatorze ans de vos deux mandats cumulés, nous n’attendrons pas un jour, une semaine, un mois, une année de plus. Encore moins vous accorder un quinquennat ou un septennat.

    Nous croyions avoir élu un président de la République qui résoudrait nos problèmes, nous avons élu un marchand de rêves qui promet mais ne réalise jamais.  Nous croyions avoir élu un président de la République dont la préoccupation serait notre bien-être, nous avons élu un marchand de sommeil ! Les cinq mille logements que vous nous aviez promis ne sont jamais sortis de terre.  Et votre passif n’est pas plus élogieux ! La société gabonaise est plus que jamais fracturée, divisée, emprise à la précarité, au chômage et à la crise économique.

    Monsieur le président de la République,

    De grâce, Monsieur le Président de la République, je vous exhorte à nouveau à ne pas vous présenter à votre propre succession à la prochaine élection présidentielle !

    Longtemps, votre prestance physique, votre activisme ont fait illusion. Aujourd’hui à quelques mois de la fin de votre second mandat, les masques sont tombés. Le roi est nu ! En octobre 2018, vous avez été victime d’un accident vasculaire cérébral qui a réduit de moitié votre motricité. 

    Depuis cette date vous ne vous êtes jamais adressé publiquement à vos concitoyens, vous adressant à eux par des vidéos montées par vos communicants. Dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, nous vous avons vu vaciller sur le perron de l’Elysée lorsque vous avez été dernièrement reçu par le président français, Emmanuel Macron. Cette image continue de nous hanter et de nous bouleverser. Dans la tradition Bantou, un chef ne doit pas faire pitié. Beaucoup d’entre nous le pensent : – vous n’avez plus les capacités physiques et mentales pour diriger notre pays.

    Monsieur le président de la République,

    Prenez votre retraite, reposez-vous et profitez de vos proches et de vos petits-enfants.

    Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma profonde considération. »

    Janis Otsiemi, écrivain

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