Dans un billet quasi-quotidien, Serge Abslow analyse avec beaucoup de sarcasme les faits de société et les évènements qui chamboulent la vie du Gabonais dans son pays. Le billet du jour questionne le Gabonais sur la place qu’il occupe dans son propre pays. Acte 1 d’un peuple devenu étranger sur sa propre terre. Lecture en dix points.
1. En ces temps de pénurie de produits alimentaires de base, je suis tombé ce jour, dans les réseaux sociaux, sur une vidéo qui va certainement devenir virale sur la blogosphère nationale. Une vidéo postée par l’un de ces milliers de lanceurs d’alerte gabonais sur la préoccupante question de la place des Gabonais dans leur propre pays.
2. Cette vidéo qui montre le flagrant délit de commercialisation en bande organisée, de l’huile de la marque « Cuisinor » fabriquée au Gabon par le groupe « Olam Palml », aux commerçants d’origine étrangère. Vendue en sous main et à guichets fermés à des prix préférentiels aux seuls commerçants ouest-africains qui spéculent volontairement pour créer l’inflation.
3. Les pouvoirs publics ne peuvent plus continuer à nier qu’il se développe ces dernières années parmi les communautés autochtones, un malaise qui consiste à penser que les gabonais se sentent de plus en plus étrangers sur leur terre. Ce sentiment insupportable commence à faire tâche d’huile pour gagner une grande partie de la population. Sans verser dans la xénophobie, les Gabonais exigent d’être considérés chez eux.
4. S’il est encore circonscrit aux masses laborieuses qui se sentent marginalisées, ostracisées et complètement rabougries, ce nationalisme grandissant pourrait vite gagner les couches les plus favorisées. Si les Gabonais continuent de supporter cet apartheid insidieux instauré par le silence complice des pouvoirs publics devant le mepris des étrangers à l’égard des gabonais, la coupe débordera bientôt.
5. En effet, ce sentiment mêlé de colère et de dépit qui gagne progressivement nos compatriotes, pourrait avoir des conséquences sur la paix sociale. Il n’est pas fortuit, puisqu’il se fonde sur des faits constants difficilement contestables et dont les effets visibles au quotidien, auraient dû alerter depuis fort longtemps les gouvernants soucieux du bien être de leurs compatriotes et de la cohésion sociale.
6. Mais comme chez nous hélas, plus rien n’est assez grave pour susciter un sursaut patriotique, tant de choses continuent d’être inacceptables. Par exemple, est-il normal que nos mamans qui pratiquent le commerce au marché Mont-bouet soient condamnées depuis des décennies à l’exercer uniquement sur les nattes et les étals disposés à même le sol ou sur les trottoirs?
7. Cette réalité vérifiable dans tous les marchés du Gabon est une honte. Tandis que les box et autres magasins sont occupés exclusivement par les étrangers, les gabonais squattent des espaces non homologués pour exister dans ces espaces commerciaux ? Est-il imaginable qu’à Bamako, les Maliens soient insidieusement confinés sur les trottoirs de leurs marchés par des Gabonais ?
8. Il y a quelques années un conflit avait éclaté devant l’hypermarché Mbolo entre ses propriétaires et les commerçants ouest-africains. Les box qui y avaient été érigés pour favoriser l’exercice de petits commerces, avaient été accaparés par ces derniers qui y avaient instauré une organisation presque mafieuse pour en écarter les rares gabonais voulant s’y établir.
9. Ils y ont fait leur loi durant plus de 30 ans avant d’en être déguerpis au forceps par une décision de justice. La même approche mafieuse s’applique à l’ensemble des galeries commerciales construites au Gabon. Les étrangers y font la pluie et le beau temps et se les louent et sous-louent entre eux, de frère à frère et de père en fils, au sein des filières communautaires organisées.
10. Les Français, les Maliens, les Libanais, les Mauritaniens, les Nigérians, les Camerounais, les Burkinabé… s’organisent en triades mafieuses dans l’objectif d’exclure les Gabonais du business florissant du commerce de gros et de détail qui brasse près de 1000 milliards de fcfa chaque année. Le débat de la préférence nationale dans ces activités commerciales est plus que jamais d’actualité.
Sarcastiquement vôtre !
Serge Abslow, chroniqueur