samedi, juillet 27, 2024
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    Deuxième chronique du roi Brice 1er, Grand Sauveur de la Nation devant l’éternel

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    Dans cette deuxième chronique du « règne de Brice 1er », Janis Otsiémi, romancier plusieurs fois primé à l’international, nous décrit  les coulisses du gouvernement Raymond Ndong Sima. L’auteur de plusieurs lettres ouvertes, publiées exclusivement sur Inside News241 dès octobre 2022, exhortant Ali Bongo Ondimba le déchu de ne pas se présenter pour un troisième mandat, met subtilement le doigt sur la conquête de l’hégémonie politique des militaires au royaume du Gabon. Lecture. 

    Au lendemain de la formation de son gouvernement de la Transition, le Premier ministre, M. Ndong Sima donna un adoucissement à son ossature. Paul-Marie Gondjout devint ministre de la Justice, garde des Sceaux. Mme Laurence Ndong, ministre de la Communication en remplacement du lieutenant-colonel Ulrich Mamfoumbi  à qui on alloua le poste de ministre délégué au Palais royal, tout en conservant le porte-parolat du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Un strapontin qui le seyait mieux. Fouché à la tête du ministère de l’Information sous Napoléon 1er, ça faisait tache d’huile et sentait la censure à plein nez.

    A la lecture des nominations procédées par le roi Brice 1er au Palais Royal, à l’armée, à la Cour constitutionnelle et au gouvernement, des vilaines médisances commencèrent à fleurir sur la propension misogyne et tribaliste du roi Brice 1er à favoriser les hommes et surtout les siens aux sommets de l’Etat. Faut-il vous rappeler, mes chers pauvres assujettis, que Notre Majesté était un sang-mêlé, Téké du côté de sa mère et Fang du côté de son père ? Torquato Acceto signifiait dans une maxime : « La dissimulation est une industrie qui consiste à ne pas faire voir les choses telles qu’elles sont ». Et cette maxime collait bien à Notre Majesté comme un gant de velours.

    La politique est un art de dissimulation 

    Dans sa grande magnanimité, Notre Grand Sauveur de la Nation devant l’Eternel fit annoncer la gratuité des frais d’inscription dans les écoles publiques et confessionnelles. Une nouvelle qui soulagea la bourse des pauvres assujettis que nous fûmes à l’approche de la rentrée scolaire qui se profilait à l’horizon. En réalité, un os jeté au peuple pour lui faire avaler le mauvais casting du nouveau gouvernement ! La politique est l’art d’empêcher  les gens de se mêler de ce qui les regarde.

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    En son chapitre IV, la Charte de la transition prévoyait la mise en place d’une Assemblée nationale et d’un Sénat. La chambre des députés allait être composée de cinquante membres issus des organisations politiques, choisis par Notre Majesté sur proposition des partis. Les membres de la chambre des sénateurs devaient être âgés d’au moins cinquante ans et représenter les principales forces du royaume parmi lesquelles les organisations patronales et syndicales, la société civile, les confessions religieuses et les organisations traditionnelles.

    Notre Équilibriste Majesté recruta à prix bas le président de la chambre des députés de la transition au sein de la vieille barde de l’ancien régime en déconfiture en la personne de M. Jean-François Ndongou, ancien ministre des Affaires sociales du roi Bongo avant d’être ministre de l’Intérieur puis président du Conseil national de la communication sous l’ancien régime.

    En bon alpiniste, notre Majesté nomma Mlle Paulette Missambo à la tête de la chambre des sénateurs. Quatre vice-présidents pour chacune des deux chambres furent aussi nommés avec dans chacun des bureaux, des officiers de l’armée, des membres des partis politiques et de la société civile, des anciens caciques du pouvoir qui avaient donné des gages à Sa Majesté.

    Cette quête d’ouverture de Notre Magnifique Majesté cachait mal une tactique de conquête de l’hégémonie politique des militaires, car l’essentiel des pouvoirs était entre leurs mains sous le vernis craquelant d’une reconnaissance et d’une restauration institutionnelle. Cette stratégie était pernicieuse car elle faisait croire à l’existence d’un contre-pouvoir interne aux militaires.

    Du culte de la personnalité

    Notre Sublissime Majesté contournait habilement les modèles archaïques de la promotion des élites, il prenait à revers aussi bien les mandarins que les clercs du royaume qui avaient failli sous l’ancien régime.

    Si au lendemain du coup de force mené par les militaires, les sujets du royaume s’étaient réconciliés avec le fenestron public, Gabon Télévision, ils avaient fini par déchanter au fil des jours. Les vieilles habitudes avaient la peau dure. Comme sous le régime déchu, le culte de la personnalité battait son plein. Un tiers des reportages du journal télévisé étaient consacrés aux activités de Notre Majesté, Grand Sauveur de la Nation devant l’éternel. Chaque JT commençait par une séquence montrant Notre Lumineuse Majesté accordant une audience à une délégation des dignitaires du royaume, des représentants des organisations patronales ou syndicales… Les gazetiers étaient redevenus  des agents de relations publiques et des propagandistes pour célébrer les hauts faits de Notre Tout-Neuf Majesté comme Louis XIV naguère au royaume de France pensionna Boileau et Racine ! Ils témoignaient là d’une incompétence et d’un manque de professionnalisme qui confinaient au militantisme tant décrié sous l’ancien régime. Et la courtisanerie touchait toutes les couches de la société depuis le putsch du 30 août. On voyait fleurir dans chaque hameau, faubourg, bourgade ou duché des comités de soutien à Notre Grand Sauveur de la Nation devant l’éternel.

    Le roi est mort, vive le roi !

    Notre Tout-Neuf Majesté n’était pas qu’un militaire pragmatique comme il aimait à le rappeler à ses interlocuteurs. C’était aussi un « enfant des fenestrons ». Il en connaissait bien les cordes et la force des images. Dès les premières heures du coup de force du 30 août, le Comité pour la transition et la restauration des institutions avait inondé le fenestron national et les réseaux sociaux avec les images des fiacres rutilants, des malles, valises et des sacs débordant des billets de banque retrouvés aux domiciles des proches du prince royal Noureddin et de l’impératrice Sylvia pour alimenter la colère des sujets du royaume et obtenir leur adhésion. Lord Chesterfield écrivait à son fils : « Toute assemblée nombreuse est foule, quelles que soient les individualités qui la composent ; il ne faut jamais tenir à une foule le langage de la raison pure, c’est à ses passions, à ses sentiments et à ses intérêts apparents qu’il faut s’adresser ».

    Cette communication outrancière fut un couteau à double tranchant. Vieux peuple échauffé par le règne sans partage de l’ancien régime pendant plus d’un demi-siècle, les sujets du royaume avaient accueilli le coup de force des militaires avec enthousiasme et placé leurs espoirs sur les nouvelles autorités de la transition. Le discours des militaires avait créé des attentes. En grand promoteur de la « démocratie d’opinion », notre Majesté suivit les sujets royaux dans leurs demandes sociales.

    Pour les citoyens du royaume, la nuit du 30 août 2023 fut celle du 4 août 1789 qui vit le système féodal qui corsetait le royaume de France depuis les Carolingiens s’effondrer en quelques heures. Les images des malles, valises et sacs débordant de liasses de billets de banque découvertes lors des perquisitions aux domiciles des proches du prince royal Noureddin et l’ex-impératrice Sylvia alimentèrent la colère, les conversations houleuses, dans les bistrots, sur les étals des marchés. Elles en firent rêver plus d’un et nourrirent un sentiment d’injustice. La grogne sociale gronda dans les administrations royales et les entreprises privées. Les mesurettes et les réformettes que Notre Majesté prenait au jour le jour ou au pas de course par communiqués et décrets n’arrivèrent pas à circonscrire le feu qui couvait sous la paille.

    Les premiers à allumer la poudre furent les milliers d’employés de la zone économique spéciale de Nkok, à quelques kilomètres de Libreville. A cette époque, la ZES de Nkok s’étendait sur une superficie totale de 1126 hectares sur laquelle s’étaient implantées une centaines d’entreprises marchandes dans le traitement du bois et de son commerce, de la fabrication de produits pharmaceutiques. Ces entreprises employaient plus d’un millier de sujets royaux. Regroupés en une coopérative, les employés dénoncèrent leurs conditions de travail et appelèrent les autorités de la transition à faire respecter leurs droits. Symbole de la cacophonie qui régnait au sommet du royaume entre l’administration royale, le comité pour la transition et la restauration des institutions, le conseil national de la tradition et le gouvernement, le roi dépêcha sur les lieux son conseiller spécial, chef de département mines, hydrocarbures et énergie, M. Arnauld Calixte Engandji-Alandji et non le ministre de tutelle pour calmer les ardeurs des contestataires. Ce fut le premier signe de la prédominance à venir  des conseillers royaux sur le Premier ministre et ses ministrons qui allaient être réduits  au rôle de figurants ou d’exécutants craintifs dans la nouvelle organisation du pouvoir, les grandes décisions comme les petites étant prises au comité pour la transition et la restaurations des institutions, au conseil national de la transition  et au Palais royal du front de mer.

    Le Comité pour la transition et la restauration des institutions annonça sur le fenestron public par la voix de son porte-parole la réduction de la durée du couvre-feu qui passa de 22 heures à 6 heures à Libreville et sa banlieue. Dans le reste du territoire, il resta maintenu de 18 heures à 6 heures.

    Une bonne nouvelle qui chassa des esprits des sujets du royaume le spleen que leur avait causé l’élimination de l’équipe royale de football à la prochaine coupe d’Afrique qui devait se tenir au royaume de Côte-d’Ivoire l’an prochain et dont la conséquence fut l’éviction de l’entraîneur français de la sélection royale, Patrice Neveu.

    Le deuxième jour de la première semaine après son sacre, Notre Majesté convoqua son premier conseil des ministres à 10 heures au Palais royal sur le front de mer. La veille, il avait nommé comme vice-président de la transition un vieux retraité de 60 ans, transparent, modeste, effacé, quasi inconnu des sujets du royaume, qui ne lui ferait pas de l’ombre. On ne connaissait pas grand-chose de M. Joseph Owondault Berre, à part qu’il fut conseiller du bourgmestre de Libreville entre 1985 et 1998, directeur général de la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers puis président du conseil d’administration d’Ecobank, une banque appartenant à Delta Synergie, une holding des Bongo. Personne ne comprit la nécessité de nommer un vice-président dont la Charte de la transition ne consacrait aucun rôle majeur, si ce n’est celui d’une potiche. 

    Le constat fut alarmant. Un conseil de ministre qui figura au palmarès des séquences politiques les plus ratées de la transition.

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    Depuis son sacre, le roi casa, rétribua les amis, les serviteurs, tous ceux dont il pensait s’attacher la fidélité par l’octroi des avantages personnalisés tant parmi les caciques que les renégats de l’ancien régime. A ce rythme-là, c’était du placement d’office. Notre Majesté était-il un népotiste éclairé ? Le pire était à venir.

    Ce premier conseil des ministres n’en fut pas un, mais plutôt un conclave au cours duquel les membres de la Cour constitutionnelle, le vice-président de la transition, le Premier ministre et ses ministrons firent allégeance au roi. Et le compte-rendu de ce conclave rendu public dans la nuit par la porte-parole du gouvernement fut décevant car les citoyens du royaume s’attendaient à une pluie abondante des mesures sociales à leur faveur. Il n’en fut rien. A travers les mesures individuelles qu’entérina ce conclave, on apprit qu’avant de procéder au nettoyage au karcher des écuries d’Augias de la garde royale, le roi étoffa son administration personnelle au Palais royal. Il nomma trois hauts-représentants de la transition parmi lesquels MM. Guy Bertrand Mapangou, ancien ministre de la défense royale, Jean-Pierre Oyiba ancien député, Gervais Oniane, ancien prétendant à l’élection du trône et Mme Colette Metimbe Fady. Il nomma aussi une charretée d’attachés de cabinet, de chargés de missions et de conseillers.

    La suite des nominations révéla le grand chamboulement à la Garde royale où le roi plaça ses fidèles, et surtout ceux qui l’avaient aidé à déposer le roi Ali 1er. Cette épuration se poursuivit au sein même de l’Hôpital des Armées royale où le roi procéda à la nomination du directeur général jusqu’au chef de radiologie en passant par le chef de service pharmacie ou des urgences. Même le régime de Vichy ne fit pas mieux !

    Le lendemain, on apprit que notre Majesté avait lancé une commission d’enquête sur l’attribution des marchés publics pour traquer les fraudes. Le porte-parole du Comité de la transition et de la restauration des institutions en fit l’annonce par le biais d’un communiqué comme à son accoutumée lu avec vigueur sur le fenestron public : « Sa Majesté a décidé ce jour de réactiver la task force de contrôle de la dette intérieure et extérieure des marchés publics. Sa Majesté invite les marchands adjudicataires des marchés royaux et toutes les entités des administrations concernées de se rapprocher de la commission dès réception de leur convocation ».

    On se rappela que dès les premières heures de son coup de force, Notre Majesté, encore Général de brigade, convoqua le patronat des marchands. Parmi les mesures qu’il avait prises, il eut le passage de la Caisse nationale de sécurité sociale et de la caisse royale de garantie sociale et maladie sous le pavillon des marchands, l’appel systématique au système bancaire pour le financement des projets, la résurrection de la journée comptable du trésor royal. Au cours de cette rencontre au palais royal, Notre Général de brigade, Grand Sauveur de la Nation devant l’éternel, avait décliné les premiers pas de sa politique compassionnelle. La philosophe allemande Mme Hannah Arendt expliquait dans l’Essai sur la Révolution qu’une politique de la pitié est celle qui s’empare de la souffrance des malheureux, des pauvres, des misérables, des déshérités pour en faire un argument politique par excellence.

    Janis Otsiémi, scribe du royaume.

    Chroniqueur chez Inside News241 

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