dimanche, avril 28, 2024
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    Première chronique du règne de Brice 1er, Grand Sauveur de la Nation devant l’Eternel

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    Dans cette première chronique du « règne de Brice 1er », Janis Otsiémi, romancier plusieurs fois primé à l’international, nous entraîne dans les premières heures de Brice Clotaire Oligui Nguéma après son investiture. L’auteur de plusieurs lettres ouvertes, publiées exclusivement sur Inside News241 dès octobre 2022, exhortant Ali Bongo Ondimba de ne pas se présenter pour un troisième mandat, dépeint avec sarcasme les premiers pas du président de la Transition. Lecture. 

    Quelques heures après son sacre comme roi du royaume du Gabon sous le nom de Brice 1er, notre Grand Sauveur de la Nation devant l’Eternel ne s’envola pas pour le Royaume de France pour quêter la bénédiction du Roi Emmanuel 1er. Porté par l’onction de ses sujets au lendemain de son coup de force, Notre Pragmatique Majesté reprit son bâton de pèlerin pour continuer à palabrer avec les forces vives du Royaume. 

    Une entente cordiale de courte durée 

    Dans la nuit, il troqua sa tenue d’apparat rouge et se rendit à la demeure du Pr. Ondo Ossa, ancien prétendant consensuel de la coterie Alternance 2023 à l’élection du Trône. Au lendemain du coup de force mené par le général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema et ses hommes quelques heures après l’annonce des résultats de l’élection au trône qui donnaient vainqueur le roi déchu Ali 1er, le Pr. Ondo Ossa avait appelé le putschiste en chef à lui rendre le trône, estimant avoir remporté l’élection universelle qui avait été annulée par les putschistes. Faisant état des liens familiaux entre le général de Brigade et le roi déchu, il avait dénoncé le coup d’Etat des militaires comme une révolution de Palais visant la perpétuation de l’ancien régime par le bais du général de Brigade. Si les détails des ambassades entre le général de Brigade et le Pr. Ondo Ossa n’étaient pas connus, une photo de la rencontre avait fuité sur les réseaux sociaux. On y voyait Sa Majesté, vêtue d’un veston noir et d’un pantalon gris, serrant la main du Pr. Ondo Ossa en présence de quatre personnes dont l’intrigant, M. Opiangah, qui fera parler de lui plus tard. Nous y reviendrons. Mais cette entente cordiale fut de courte durée entre sa Majesté et son principal rival qui avait décliné l’invitation au sacre du roi quelques heures plus tôt. Pauvres assujettis, nous apprîmes quelques jours plus tard que Monseigneur Jocktane, ancien prétendant à l’élection du Trône et qui s’était rallié au Pr. Ondo Ossa comme son valet de chambre avait été mis aux arrêts en compagnie de deux individus, Thérence Gnembou Moutsouna et Saint Eric Ndong. Ils se dirigeaient, grimés, à bord d’un fiacre dont Saint Eric Ndong était le cocher en direction du Royaume voisin de la Guinée Equatoriale, dirigé par un autocrate depuis plusieurs années. A la stupeur générale, on découvrit que Monseigneur Jocktane était porteur d’une missive signée de la main du Pr. Ondo Ossa à l’endroit du prince royal, Vice-Roi de la Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mangue. La teneur de cette missive révélait l’appel à l’aide du Pr. Ondo Ossa pour restaurer l’ordre constitutionnel en recomptant les suffrages de l’élection au Trône dont les vrais résultats lui donnaient vainqueur. La mise aux arrêts de Monseigneur Jocktane ne fut pas sans conséquence sur la cohésion au sein de la plate-forme Alternance 2023. Redoutant d’être accusés par le nouveau régime pour atteinte à la sûreté de l’Etat et collusion avec un royaume étranger, plusieurs barons de l’opposition comme MM. Barro, Ndong Sima et Mme Missambo prirent leurs distances avec le Pr. Ondo Ossa qui nia être l’auteur de cette missive.

    Les ambassades fructueuses du roi Touadéra 

    Le 5 septembre de l’an 2023 après Jésus-Christ, l’agenda de Sa Majesté fut chargé. Il se rendit au pas de course à l’aérodrome international de Libreville Léon Mba, du nom du premier roi et fondateur du royaume du Gabon, pour accueillir le roi Touadéra du royaume de la Centrafrique, mandaté par les royaumes voisins réunis au sein d’une coterie du nom de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, en abrégé CEEAC pour négocier les conditions de détention du roi déchu Ali 1er. De l’avis des décrypteurs de la vie politique du royaume, le roi Touadéra n’était pas le bon chevalier pour mener les ambassades avec les militaires. On lui reprochait d’avoir mené dans son propre royaume quelques semaines plus tôt un putsch constitutionnel pour faire sauter le verrou de limitation des mandats au trône. Auprès de l’émissaire de la CEEAC, Notre Majesté fit son plaidoyer sur les notions de bons coups et mauvais coups d’Etat. Après son entretien avec le roi Brice 1er au Palais Royal, le roi Touadéra obtint des hommes de la Transition l’autorisation de rendre visite au roi déchu Ali 1er qui était retenu à la Sablière en résidence surveillée depuis plusieurs jours. Les ambassades menées par le roi Touadéra furent fructueuses. Car au terme de la visite du roi Touadéra qui dura deux jours, les militaires annoncèrent sur le fenestron national, Gabon Télévision, que compte tenu de son état de santé fragile, le roi déchu Ali 1er, qui avait été victime d’un accident vasculaire cérébral en l’an 2018 et dont il ne s’était pas totalement remis, pouvait s’il le souhaitait se rendre à l’étranger afin d’y effectuer ses contrôles médicaux.  

    Vive la « Transition totalitaire » !

    Notre Majesté reçut ensuite au Palais royal les directeurs généraux de l’administration royale. Son oraison, dans une langue crue et verte, à leur endroit fut rudoyant. Il leur lança derrière son pupitre : « Chaque directeur général qui sait qu’il a fricoté avec l’ancien prince Royal et ses compagnons ou alors qu’il a pris plus que de raison de venir rendre l’argent et s’expliquer dans 48 heures. Venez vous-mêmes, car nous savons qui vous êtes déjà. Si dans 48 heures, vous ne vous êtes pas présenté au B2, à la DGR ou à la DGSS, nous viendrons vous chercher et vous allez comprendre ».

    Arrêtons-nous un moment sur le rapport aux autres de Notre Majesté. Son accoutrement en dit long sur son état psychologique. Lors de son couronnement, Sa Majesté était apparue dans une tenue rouge d’apparat, bardée de médailles qui devaient soupeser leur pesant de broc. Lorsqu’il sortait des murs du Palais Royal pour mener des ambassades avec les renégats du régime – comme ce fut le cas avec le Pr. Ondo Ossa, il arborait une tenue civile. Enfin, lorsqu’il recevait ses administrés au palais royal, il était toujours vêtu de son éternel béret treillis vert, harnaché d’un pistolet. Notre Majesté savait jouer avec les nerfs de ses interlocuteurs. Il parlait de tout. Il savait tout. Il avait une idée sur tout. Son regard inquisiteur vous donnait l’impression qu’il connaissait tout sur vous : votre fortune, votre femme et vos enfants, vos maîtresses, vos petites magouilles. Saint-Just écrivait : « Il faut faire peur à ceux qui gouvernent. Il ne faut pas faire peur au peuple ». Notre Majesté appliquait au pied de la lettre cette sagesse à son propre compte.

    Depuis son couronnement, notre Majesté gouvernait par décrets et communiqués s’inspirant de l’esprit des évangiles de la Charte de la Transition taillée à sa gloire, à sa stature de messie et dans laquelle il était à la fois Chef de l’Etat et ministre de la guerre et de la Sécurité. La Constitution du royaume étant reléguée aux latrines, Notre Majesté avait inventé un régime d’un genre tout nouveau, la « Transition totalitaire ». A tout seigneur, tout honneur ! Il nommait qui il voulait et selon les critères qui étaient les siens, sans contrôle de la chambre des députés et des sénateurs dissoutes, s’en référant uniquement à Dieu, dont il était l’émanation dans le royaume. Notre Majesté en avait la certitude. Il s’était choisi lui-même comme président de la Transition et roi parce qu’il estimait qu’il était le seul capable de mettre fin à l’ancien régime. La prophétie s’était accomplie. Il en était le messie.

    « 3 M, la tour de pise » remplacée par Dieudonné Aba’a Oyo

    Le 6 septembre, Notre Majesté reçut au palais Royal Mme Marie-Madeleine Mborantsuo pour lui signifier de vive voix son éviction de la Cour constitutionnelle dissoute après le coup de force et qu’elle dirigeait depuis l’an 1991. Les sujets du royaume avaient une mauvaise presse de la Cour constitutionnelle et de sa présidente qu’ils surnommaient « 3 M, la tour de pise » pour sa proximité avec l’ancien régime et son penchant en sa faveur lors des élections controversées.  Elle fut remplacée par un magistrat, M. Dieudonné Aba’a Oyo, ancien président de la chambre du Conseil d’Etat Dans la meme foulée, le Comité de la Transition dévoila la liste des neuf juges nommés par le roi Brice 1er à la Cour Constitutionnelle. Personne ne sut sur quels critères ils avaient été choisis par le roi Brice 1er, car la plupart d’entre eux ne connaissaient rien au droit constitutionnel.

    Comme Premier ministre, Notre Majesté alla fouiller dans les écuries d’Augias des renégats de l’ancien régime et sortit la tête de M. Ndong Sima qu’il nomma Premier ministre. M. Ndong Sima avait la tête de l’emploi et plus d’avantages que ses concurrents à ce poste : il avait l’humilité d’un dévot. Il avait su le démontrer par le passé. Le sieur Ndong Sima n’était pas inconnu des sujets du royaume. Il avait été le Premier ministre de l’ancien roi déchu Ali 1er. M. Ndong Sima avait une réputation établie de besogneux, mais il avait un talon d’Achille : il manquait de fermeté. Il donnait l’impression d’être un personnage fourbe, docile derrière ses cheveux poivre et sel, ses grands larges sourires qui lui valaient le surnom de « La vache qui rit » par quelques plaisantins. Pendant que le nouveau Premier ministre s’attelait à former un nouveau gouvernement, Notre Majesté forma sa nouvelle oligarchie au Palais royal. Il rappela à ses côtés le Pr. Rossatanga-Rignault comme secrétaire général du Palais Royal. Le Pr. Rossatanga-Rignault lui aussi n’était pas un inconnu des sujets royaux. Ayant longtemps servi dans les soutes de l’administration royale dont il connaissait fort bien la mécanique sous le roi Omar, il avait déjà occupé ce strapontin sous le règne du roi Ali Bongo 1er avant d’être éloigné de la cour royale par le Centurion Laccruche Alihanga.  Quelques jours plus tard, le Premier ministre M. Ndong Sima rendit lui-même public la liste du gouvernement ficelée par le Roi Brice 1er lui-même puisqu’on constatera plus tard qu’aucun de ses proches n’en faisait partie.  A la grande surprise générale, ce fut un aéropage de serviettes neuves et de torchons sales pour reprendre l’expression du gazettier Jonas Moulenda. Et des personnes compétentes, il n’en eut qu’une petite charrette. La rupture avec l’ancien régime qu’on nous promettait éclatante ne fut qu’un vœu pieux. Dans son livre L’Art de la politique, M. Jonathan Swift nous prévenait déjà : « Les mensonges de promesse que font les grands dirigeants se connaissent en cette manière : ils vous mettent la main sur l’épaule, ils vous embrassent, ils vous serrent la main, ils se plient en vous saluant ; ce sont autant de marques qui doivent vous faire savoir qu’ils trompent et qu’ils vous en imposent ». Voilà un dicton que nous pauvres assujettis du royaume prîmes pour évangile.

    Dans ce gouvernement, ce fut la présence de l’intrigant M. Opiangah au poste de ministre des Mines qui fit beaucoup couler d’encre et de salive dans le royaume. Ancien brigand et bagnard qui traînait des casseroles tonitruantes comme un fil à la patte, connu pour ses intrigues, ses ruses et roueries, tombé en disgrâce sous le régime du roi Bongo puis revenu en grâce auprès du Roi Ali 1er par le trou de la serrure, M. Opiangah savait fort bien passer le cirage et la brosse. Il dirigeait une officine politique aux crochets de l’ancien régime déchu. On le soupçonnait à tort ou raison d’être à la tête d’une fortune de plusieurs millions d’écus d’or dont il ne pouvait justifier l’origine.

    A la lecture des nominations procédées par le roi Brice 1er au Palais Royal, à l’armée, à la Cour constitutionnelle et au gouvernement, des vilaines médisances commencèrent à fleurir sur la propension misogyne et tribaliste du roi Brice 1er à favoriser les hommes et surtout les siens aux sommets de l’Etat. Faut-il vous rappeler mes chers pauvres assujettis que Notre Majesté était un sang-mêlé, Téké du côté de sa mère et Fang du côté de son père ? Torquato Acceto signifiait dans une maxime : « La dissimulation est une industrie qui consiste à ne pas faire voir les choses telles qu’elles sont ». Et cette maxime collait bien à Notre Majesté comme un gant de velours.

    Dans sa grande magnanimité, Notre Grand Sauveur de la Nation devant l’Eternel fit annoncer la gratuité des frais d’inscription dans les écoles publiques et conventionnées. Une nouvelle qui allait soulager la bourse des pauvres assujettis que nous étions à l’approche de la rentrée scolaire qui se profilait à l’horizon. En réalité, un os jeté au peuple pour lui faire avaler le mauvais casting du nouveau gouvernement !

    Janis Otsiémi, scribe du royaume. 

    Chroniqueur chez Inside News241

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