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    Portrait : « Victoire Lasseni Duboze, Minerve sous l’équateur »

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    Dans une série de portraits assassins et peu flatteurs, l’écrivain Janis Otsiemi brosse un tableau peu reluisant mais objectif des potentiels candidats et candidats déclarés à l’élection présidentielle gabonaise d’août 2023. Après Raymond Ndong Sima et Pierre Claver Maganga Moussavou, c’est au tour de l’ex député PDG et ancienne candidate indépendante à la présidentielle de 2009, Victoire Lasseni Duboze, qui sera dépeint par notre écrivain. Portrait. 

    Les guerres d’héritage en politique sont légion et tenaces. Depuis son élection en 2009, Ali Bongo a subi plusieurs procès en illégitimité de la part de ses anciens compagnons du Parti gabonais (PDG) dont la plupart grossissent les rangs de l’opposition aujourd’hui. Dans l’empyrée politique, Victoire Lasseni Duboze en fait sans nul doute parti. Elle est l’une des premières femmes, avec Yvette Ngwevilo Rekangalt, à se présenter à la présidentielle de 2009, au lendemain de la mort d’Omar Bongo, dont on a fêté le 8 juin dernier les 14 ans de sa disparition. La politique ne se fait pas qu’avec les symboles. Victoire Lasseni Duboze va vite l’apprendre à ses dépens. 

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    Elle comptait sur le soutien de plusieurs femmes militant au sein du PDG ou dans les associations. Elle récolte au final 304 voix, soit 0,09 % des suffrages exprimés. A la suite de sa défaite cuisante, elle ne négocie pas son retour au PDG ni ne rejoint les rangs de l’opposition pour ronger son frein. Elle disparaît du théâtre guerrier de la politique pour revenir à ses premiers amours. Femme piquée de culture, elle va se consacrer à la littérature, aux arts avant que le démon de la politique ne la rattrape. La voilà à nouveau candidate à la prochaine élection présidentielle. Et c’est en cela que la figure de Victoire Lasseni Duboze m’évoque celle de Minerve, figure de la mythologie romaine, fille de Jupiter et Métis, déesse de la pensée élevée, de la sagesse, de la guerre, des artisans, des arts et de l’industrie.

    Un début de carrière professionnelle prometteur

    Mais bien avant de chausser les bottes d’une Minerve sous l’équateur, Victoire Lasseni Duboze a tout un parcours professionnel et politique derrière elle. Elle naît le 17 novembre 1952 à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire d’un père Gabonais et d’une mère Sénégalaise. Elle obtient son baccalauréat en 1973 à Verneuil sur Avre en France. Titulaire d’un DUT et d’une licence en psychologie, elle commence sa carrière comme simple assistante d’un expert du Bureau international du Travail. Elle fera l’essentiel de sa carrière à l’Agence nationale  de formation et de perfectionnement professionnels où elle gravira les échelons peu à peu. Chef de service d’orientation et des examens en 1981, elle est propulsée en 1985 Directrice du service de psychologie. 

    Ici, en 1991 serrant la main de Nelson Mandela, un an après sa sortie de prison. © D.R.

    Un parcours politique rempli, mais pas suffisant 

    Parallèlement, elle milite au Parti démocratique gabonais au sein de l’Union des femmes dans laquelle elle fait montre d’un certain zèle. Elle en devient la Secrétaire générale. Un an plus tard, elle est promue chargée de mission du Président de la République auprès du Ministre de la Formation professionnelle et de l’Artisanat. Deux ans plus après, elle devient Conseiller du Ministre du Travail, de la Formation et de l’Emploi. Elle amorce sa carrière politique lorsqu’elle est élue député en 1990. Réélue en 1995, elle devient présidente de l’Union des femmes du PDG. Intuitive et intelligence, Victoire Lasseni Duboze sait que chaque promotion au sein du parti de masse est un tremplin vers le sommet. En 1997, elle entre discrètement au gouvernement comme Secrétaire d’Etat auprès du ministre d’Etat chargé du travail et de la formation professionnelle. En février 199, elle devient ministre de la famille et de la promotion de la femme. 

    Au sein du parti, elle a fait un bond en avant : elle est membre du comité central, du bureau politique puis du conseil national. Sa présence au gouvernement est de courte durée. Elle en sort 10 mois plus tard. En janvier 2022, elle est élue conseiller du 1er arrondissement de Libreville. Ce qui, quelques mois plus tard, lui permet d’être élue sénatrice puis présidente du groupe parlementaire PDG au Sénat. Mais bien avant, elle est nommée présidente du conseil d’administration de la Société nationale des bois du Gabon. Puis peu à peu, Victoire Lasseni Duboze va tomber en disgrâce. Elle démissionne du Parti démocratique gabonais en 2008. Elle est candidate à l’élection présidentielle de 2009 avec le score qu’on connaît.

    Ici, avec l’un des candidats déclarés à la présidentielle 2023 et ancien Premier ministre Raymond Ndong Sima © D.R.

    Une candidature de trop et incertaine 

    Victoire Lasseni Duboze est sans nul doute la première personnalité politique à s’être déclarée officiellement candidate à la prochaine élection présidentielle. A y regarder de près, cette candidature de trop a tout d’un caprice, motivé par un esprit grognard et revanchard, une certaine nostalgie d’une époque révolue quand elle militait aussi du PDG dont elle l’auteur-compositeur de l’hymne. Caprice de « mamie », de « has been » prête à débourser dix millions de Francs CFA pour une candidature à l’issue incertaine. Victoire Lasseni Duboze le sait et nous le savons. Elle n’a aucune chance de remporter cette élection. Elle ne dispose d’aucun fief politique, d’aucun parti. Certes, elle est à la tête ou affiliée à une cohorte d’associations apolitiques. Mais est-ce suffisant ? Une élection présidentielle n’est pas un concours de beauté. 

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    Certes, Victoire Lasseni Duboze a une certaine expérience politique pour avoir milité au sein de l’une des instances les plus populaires du PDG, l’Union femmes dont elle garde encore quelques affidées. Elle a une connaissance des manœuvres, des esquives, des roueries. Elle est une femme chaleureuse, sympathique et dynamique. Combattive et volubile. Mais elle manque de brio, de caractère. Elle met beaucoup d’habileté œcuménique dans ses certitudes d’opposant au régime. Ce qui laisse penser à tort ou à raison qu’elle nourrit au plus profond d’elle un secret pernicieux : revenir à l’étable du père Bongo avec cette candidature de trop !

    La chouette de Minerve prend son envol au crépuscule 

    En somme, elle donne l’impression d’une vieille chanteuse de kompa des années 90 qui veut se rappeler au bon souvenir de ses fans en faisant un dernier tour de piste ou de chant ! Et cette comparaison est peu flatteuse, presqu’assassine, je le conçois, mais elle m’autorise à convoquer la figure du philosophe allemand Hegel qui écrivait dans « Principes de la philosophie de droit » : « La chouette de Minerve prend son envol au crépuscule ». Allégorie philosophique qui signifie dans sa traduction littérale que la chouette ici évoquée perpétue le retard pris par la conscience sur l’action.

    A 71 ans, Victoire Lasseni Duboze se rêve en femme d’action. L’un de ses recueils de poèmes s’intitule « Au bout de mes rêves ». 

    La gérontocratie a de beaux jours dans notre jeune démocratie ! 

    Janis Otsiémi

    Ecrivain

    • Prix du Premier Roman Francophone 2000 – « Tous les chemins mènent à l’autre »
    • Prix du roman gabonais 2010 – « La vie est un sale boulot »
    • Prix Dora Suarez 2017 – « Les voleurs de sexe »

    « Prochain portrait : Paulette Missambo, la dame de fer aux pieds d’argile »

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