samedi, avril 27, 2024
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    Troisième chronique du règne du roi Brice 1er, Grand Sauveur de la Nation devant l’éternel

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    Dans cette troisième chronique du « règne de Brice 1er », Janis Otsiémi, romancier plusieurs fois primé à l’international, nous narre le périple africain du « roi ». L’auteur de plusieurs lettres ouvertes, publiées exclusivement sur Inside News241 dès octobre 2022, exhortant Ali Bongo Ondimba le déchu de ne pas se présenter pour un troisième mandat, décortique les actes chargés de symbole et les premiers pas hors du Gabon du président de la Transition, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema. Lecture. 

    L’onde de choc du coup de force mené par les militaires sous la houlette de Notre Majesté n’épargna point le Conseil supérieur des affaires islamiques du royaume dont le roi déchu Ali 1er était le raïs. L’imam Ismaël Oceni Ossa, dont les fils avaient été écroués pour détournements de fonds publics, fut éjecté par la communauté musulmane de la tête de ce conseil. C’était un secret de polichinelle. Notre Majesté était un catholique pratiquant. 

    Quelques jours après son coup de force, on le vit sur les images du fenestron public assister à la messe dominicale et offrir des offrandes au prêtre officiant. Par cet acte, Notre Pieuse Majesté signa son concordat comme le fit  le général Napoléon Bonaparte en son temps avec le Saint-Siège. Le catholicisme devint la religion du royaume comme l’islam le fut sous l’ancien régime.

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    Dans son souci d’écrire les pages d’un nouveau roman royal, Notre Sublime Majesté se fit champion de la politique mémorielle en allant rendre hommage à son mausolée au roi Mba, fondateur du royaume du Gabon. Le roi Mba 1er fut l’un des hommes les plus importants du royaume. Personnage controversé, haï, adulé, il ne laissait personne indifférent depuis sa mort plus d’un demi-siècle plus tôt. Il avait naguère refusé l’indépendance du royaume pour rester sous le joug colonial de Charles 1er de Gaulle de France avant d’y être contraint par la force. 

    Notre Majesté poursuivit son itinérance mémorielle par l’hommage à Franceville au roi Bongo, fondateur de la dynastie. Le roi Bongo dont Notre Majesté fut l’aide de camp durant dix ans mourut le 8 juin 2009 à Barcelone en Espagne. Il régna sans partage durant quarante-deux ans. A sa mort, la présidente de la chambre des sénateurs, Mme Rose Francine Rogombé assura durant quatre mois  son intérim jusqu’à l’élection controversée au trône du Prince Ali Bongo. Elle mourut le 10 avril 2015 à Villejuif en France et fut enterrée à Lambaréné, sa ville natale. Notre Majesté s’y rendit accompagné d’une forte délégation pour lui rendre un hommage.

    Retour aux sources culturelles bantu

    Mais Diantre, quelle stratégie cachait donc Notre Majesté derrière cette politique mémorielle ? Le porte-parole du Palais royal expliqua que « les morts ne sont pas morts, ils sont avec nous. Il était important pour le président de la transition de rendre hommage à ceux qui l’ont précédé. Il est important de s’enraciner dans la culture qui est la nôtre ».

    Les décrypteurs les plus avertis du royaume virent dans cette démarche le royalisme de Notre Majesté pour s’inscrire dans l’Histoire, se donner une posture réconciliatrice d’un homme au-dessus de la mêlée dans une période de reconstruction et de restauration des institutions. « Il faut parfois en passer par l’histoire pour réparer le présent », ironisa un commentateur du royaume. Mais les décrypteurs les plus lettrés émirent l’hypothèse que  cette stature de rassembleur que recherchait notre Majesté pour des raisons obscures était trompeuse car Notre Majesté ne cessait depuis son coup de force et son sacre de jouer une catégorie des citoyens du royaume contre une autre.

    Suivant toujours l’hypothèse des décrypteurs les plus lettrés du royaume,  de toutes les promesses de réformes que formula Notre Majesté lors du discours de son sacre, celle qui provoqua le plus de clameur fut sa volonté de réviser les conditions d’attribution de la nationalité gabonaise en s’engageant à ce que les relations séculaires entre les sujets du royaume et les étrangers soient toujours des relatons d’amitié, de tolérance et de concorde. Il se défendit de faire de la xénophobie en déclarant que « la politique et l’administration d’un royaume sont des domaines de la souveraineté royale ».

     La promesse de cette réforme faisait allégorie à ce qu’on appelait naguère  la « légion étrangère », une caste composée des citoyens du royaume d’origine étrangère qui occupaient de hauts postes de responsabilité dans l’administration royale ou au faîte des agences royales qui avaient constitué au fil des temps un véritable pouvoir parallèle au fonctionnement opaque et qui supplantaient les actions des différents gouvernements.

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    Peu à peu après le coup de force qui avait déposé le roi Ali 1er dont les citoyens contestaient la nationalité depuis belle lurette, les militaires avaient habilement joué avec le ressentiment qu’éprouvaient les citoyens du royaume envers cette caste arrogante et méprisante. 

    D’autres membres de cette légion étrangère avaient déjà fait couler beaucoup d’encre et de salives dans le royaume par leurs frasques, parmi lesquels le Sieur Accrombessi et le centurion Laccruche Alihanga, qui furent successivement Premier valet de chambre du roi. Véritables éminences grises auprès du roi déchu, ils avaient le pouvoir de faire la pluie et le beau temps, de faire et défaire des carrières dans l’administration royale. Ils avaient la main mise sur les finances pétrolières et minières du royaume. M. Accrombessi, que l’on surnommait naguère « Raspoutine » avait été écarté de la cour royale après avoir été victime d’une maladie cérébrale à la veille de l’élection au trône de l’année 2016. Le centurion Laccruche Alihanga, d’origine française, croupissait au bagne de Sans-famille depuis l’an 2019. Il avait été condamné à cinq ans de prison ferme en octobre 2021. La justice du royaume lui reprochait d’avoir utilisé une procédure frauduleuse pour acquérir le certificat de citoyenneté du royaume, des faits qu’il avait reconnus devant le tribunal. D’autres chefs d’accusation de détournement de fonds publics pesaient sur sa tête. Conséquence, notre Nouveau souverain allait durcir les conditions de la nationalité.

    Premier voyage officiel en Guinée Equatoriale 

    Ironie de l’histoire, notre Chevaleresque Souverain effectua son premier voyage à l’étranger en Guinée Equatoriale, dirigée par le roi Obiang Nguema. Ce fut là une rupture. Naguère le  roi Bongo réservait ses premiers voyages officiels à l’étranger au royaume de France, Ali 1er à l’empire de Chine. Les rois Bongo et Obiang Nguema entretenaient de bonnes relations personnelles, diplomatiques et bilatérales. Il n’en fut point autant sous l’ancien régime. Plusieurs dossiers minaient les relations entre les deux royaumes. La présence continue d’un contingent des militaires du royaume d’Espagne à Libreville n’était point vue d’un bon œil  du côté de la Guinée Equatoriale qui craignait que ce contingent de l’ancien colon ne fut là que pour préparer un coup tordu à son endroit. Pour l’ancien régime, ce contingent faisait partie de l’Union européenne et ne fut là que pour assurer la paix et la stabilité en Centrafrique. Des arguments qui ne convainquirent  pas les autorités de Malabo.  Les deux royaumes se disputaient aussi depuis les années soixante-dix l’île de Mbagnié et les îlots de Cocotier et Conga réputés riches en pétrole et poissons. Ils avaient fait appel à l’arbitrage de l’Organisation des nations unies pour se partager conjointement les ressources naturelles de ces îles querellées. Et l’affaire de la missive du Pr. Ondo Ossa n’arrangeant point les choses.

    Lors de ce premier voyage en Guinée Equatoriale, Notre Majesté fut accompagnée de la Reine Zita, de cinq ministres du gouvernement, du secrétaire général du Palais royal, de la présidente de la chambre des sénateurs et de quelques membres de son cabinet personnel. Nous imaginâmes que les sujets des discussions ne manquèrent pas entre les deux hommes. Quelques jours après le coup d’Etat, le royaume du Gabon avait été suspendu de la CEEAC. Conséquence immédiate, son siège qui se trouvait à Libreville fut transféré à Malabo et sa présidence confiée au roi Obiang Nguema. Comme l’expliqua si bien le porte-parole du palais royal, ce voyage fut une opération de séduction : « Nous devons rassurer, donner la bonne explication, les causes du coup de force. Il y a eu d’autres coups d’Etat en Afrique mais le contexte gabonais est différent, la situation est revenue à la normale ».

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    Ce fut lors de ce déplacement que Notre Souverain apprit que le Gabon était suspendu partiellement des instances du Commonwealth, une communauté des Etats qui avaient en commun la langue des Anglo-Saxons, en attendant le rétablissement de la démocratie dans le royaume par l’organisation des élections libres et transparentes. Décidément, le plaidoyer des militaires n’avaient pas convaincu les dirigeants du Commonwealth qui pourtant avait dépêché à Libreville, son secrétaire général, Mme Patricia Scotland qui durant 2 jours entiers s’était entretenue avec le roi, la société civile et les partis politiques afin de recueillir la part de vérité de chacun sur les raisons de ce coup d’Etat. Le palais royal ne commenta pas cette décision. Depuis le coup d’Etat, Notre Souverain bénéficiait relativement d’un état de grâce permanent de la part de ce qu’on appelait à cette époque la communauté internationale. 

    Faut-il vous rappeler, mes chers assujettis, que Notre Roi fut à la bonne école en effectuant ce premier voyage officiel au royaume de Guinée Equatoriale. Le roi qui dirigeait ce petit émirat pétrolier de plus d’un million d’âmes était lui aussi un militaire qui avait déposé son oncle Francisco Macias Nguema en 1979 en prenant la tête d’un conseil militaire suprême avant d’être nommé roi trois ans plus tard. Nous imaginâmes qu’au cours du tête à tête qui dura plus d’une heure entre les deux têtes couronnées, Notre Souverain ne manqua pas de quémander quelques précieux conseils sur sa  longévité au trône. 

    Nous apprîmes qu’avant de s’envoler pour le royaume de la Guinée Equatoriale, notre Majesté avait accordé sa première interview depuis son sacre aux gazetiers de Jeune Afrique. Elle fut publiée en son absence du royaume pour couper court à toute polémique. Sur la question de son éligibilité à la prochaine élection au trône à la fin de la Transition dont la durée sera déterminée par les acteurs politiques et civiles, Notre Souverain se fit pédagogue : « L’esprit de la charte de la transition est de s’assurer que toutes les personnalités ayant un rôle prépondérant dans la restauration des institutions et de l’écriture de la constitution ou la révision du code électoral ne soient pas tentées d’écrire en leur faveur les éléments susceptibles de biaiser une fois de plus le processus électoral. Le président de la Transition que je suis n’étant pas un des acteurs de la mise en œuvre du nouveau code électoral et de la nouvelle constitution, il n’est donc pas soumis à cette restriction ». 

    De l’inéligibilité des acteurs de la Transition 

    Les propos de Notre Majesté ne souffraient d’aucune ambiguïté. Il se réservait le droit de ne point insulter son avenir. Lors d’une audience que Notre Majesté lui accorda à son retour dans le royaume, Mme Paulette Missambo, président de la chambre des sénateurs, plaida pour la révision de la Charte de la transition, surtout les articles frappant d’inéligibilité les acteurs politiques et civils prenant part à la restauration des institutions. Les supplications de Mme Paulette Missambo tombèrent dans les oreilles d’un sourd. Le président de l’Assemblée, M. Jean-François Ndongou, qui plaida auprès de Notre Majesté l’augmentation du nombre des députés devant siéger au parlement de la transition n’eut gain de cause.  

    Par la voix du procureur du roi, on apprit que le prince royal déchu Nourredin, M. Ian Ngoulou, son ancien directeur de cabinet, le sieur Océni et son frère, Jessye Ella Ekogha, ancien porte-parole du palais royal furent écroués à la prison centrale de Libreville. On se souvint que le prince déchu et sa bande avaient été interpellés aux premières heures du coup d’Etat et étaient jusque-là détenus dans les geôles de la direction générale des services de sécurité au sein du Palais royal. Les chefs d’accusation contre eux furent plus lourds que ceux pour lesquels ils avaient été arrêtés. Ils furent accusés de troubles des opérations d’un collège électoral, de contrefaçon et usage d’imprimés officiels d’une institution. Quelques jours plus tard, deux ministres de l’ancien régime furent eux aussi écroués au bagne de « Sans-famille ».

    Jean Ping reçu avec les honneurs

    Quelques heures après son retour du royaume de Guinée Equatoriale, Notre Majesté reçut au Palais royal M. Jean Ping qui eut droit à tous les honneurs dus à un chef d’état en exercice. Le « roi des Charbonnages »  comme on se bornait à l’appeler depuis sa défaite sur le fil de rasoir face au roi Ali 1er lors de l’élection au trône de 2016 dont il était convaincu d’en avoir été le véritable vainqueur, M. Jean Ping ne bouda point son plaisir. On le vit sur des photos triées par les communicants du Palais royal riant à gorge déployée auprès de Notre Majesté.  On aurait dit des photos de famille. Le penser d’ailleurs ne fut point fortuit. De son vivant, le roi Bongo se méfiait de son ministre des Affaires étrangères dont sa fille aînée Pascaline fut fortement amoureuse et qui lui fit trois enfants.  Le vieux roi l’avait percé à jour. Son gendre cachait mal ses appétits de pouvoir derrière sa gouaille, sa bonne humeur et ses petites histoires égrillardes qu’il aimait raconter pour amuser le vieux roi et dont il était le premier en rire. Dans son dos, le roi Bongo l’affubla d’un surnom moqueur et peu flatteur « Mao », sans nul doute en référence à ses origines chinoises du côté de son paternel, comme pour rappeler à tous l’illégitimité de ce dernier à prétendre au trône un jour. Jean Ping en eut vent et en fut vexé, agacé sans rien en montrer. En avril 2008, le roi Bongo l’éloigna de la cour en le faisant élire comme président de la commission africaine à Addis-Abeba. Un strapontin qui lui permit d’étoffer son carnet d’adresses pour entretenir la flamme de sa quête royale. En 2012, il brigua un second mandat à la tête de la commission de l’Union africaine et perdit face à la Sud-Africaine Nkosazana. Ruminant sa défaite, Jean Ping accabla le roi Ali 1er de ne l’avoir point suffisamment soutenu. Ce fut la raison de leur brouille. Dès lors, Jean Ping ne fit mystère de son intention de briguer le palais royal à l’élection au trône de 2016. « Se trouvant sans emploi, Jean Ping n’a trouvé rien de mieux que de vouloir le mien », ironisa le roi Ali 1er devant ses visiteurs du soir. 

    Sous le vernis d’une concertation ouverte à toutes les forces vives du royaume, Notre Majesté continuait à implanter malicieusement sa politique visant à neutraliser tous les opposants et en réhabilitant les barons et comtes de l’ancien régime, en les associant au processus de restauration des institutions dans le but non avoué de les neutraliser. Seul M. Barro, ancien candidat au trône qui s’était rallié à Albert-Sans-Terre, faisait de la résistance sans en avoir l’air.

    Le patrimoine du roi, toujours inconnu

    Pourtant, plus de deux semaines après son sacre, Notre Majesté n’avait toujours pas publié dans la gazette officielle son patrimoine comme l’exigeait un des articles de la Charte dont il fut lui-même l’un des scribes. Notre Majesté n’était point un gueux sans le sou. Sa proximité avec le roi Bongo et quelques membres de la cour royale comme Mme Pascaline, l’argentière du clan Bongo dont il fut proche, lui avait permis d’amasser une jolie petite fortune. On lui prêtait une boulimie pour la pierre. Dans un rapport publié par un très sérieux consortium d’investigations américain, il fut épinglé et soupçonné d’avoir acheté en espèces, sans hypothèque, trois maisons, aux Etats-Unis dans le Maryland, pour une somme de 554 millions de francs CFA. Interrogé par le consortium américain, Notre Majesté fit valoir une fin de non-recevoir en n’arguant que cela relevait de sa vie privée.  

    Janis Otsiémi, scribe du royaume.

    Chroniqueur chez Inside News241 

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